L’ange était demeuré bien loin derrière nous, après avoir nommé beati ceux qui sont Pour moi, je m’avançais maintenant plus léger quand Virgile se mit à discourir : « L’amour C’est pourquoi, depuis l’heure où le limbe d’enfer j’ai cru sentir pour toi la plus forte amitié Mais dis-moi cependant (et pardonne à l’ami Comment as-tu pu faire une place en ton coeur Ce discours amena sur les lèvres de Stace Il est vrai que l’on voit assez souvent des choses Ainsi, ta question me fait voir que tu penses Sache que rien ne fut plus éloigné de moi Et si je n’avais pas corrigé ce défaut « Que ne règles-tu pas, maudite faim de l’or, Combien au jour dernier se verront sans cheveux, Apprends en même temps que, comme le péché, et, bien que séjournant parmi ceux qui déplorent « Pourtant, quand tu chantais cette guerre cruelle ce que Clio voulait chanter par ton organe Et s’il en est ainsi, quel soleil, quelle lampe Il répondit : « C’est toi qui m’envoyas d’abord Oui, tu fis comme ceux qui portent un flambeau quand tu dis : « Il se lève une époque nouvelle : C’est par toi que je fus et poète et chrétien. Le monde était déjà tout conquis par la foi et ton propre discours, que je viens de citer, Comme j’eus vite fait de les trouver tous saints, et pendant tout le temps que j’ai passé là-bas, Et dès avant qu’en vers j’eusse conduit les Grecs Je fis toujours semblant d’être resté païen ; Mais toi, qui soulevas pour moi le lourd couvercle dis-moi ce que tu sais de notre vieux Térence « Tous ceux-là, Perse aussi, moi-même et beaucoup dans le premier enclos de la prison obscure ; Euripide, Antiphon se trouvent parmi nous, On y retrouve aussi tes propres personnages ; Celle qui découvrit Langie est avec nous, Les deux poètes, lors, se turent à la fois, Nous avions dépassé quatre filles du jour ; lorsque mon guide dit : « Je crois qu’il faut encore Ainsi, l’expérience étant notre seul guide, Ils allaient en avant et moi, je les suivais, Mais ces doux entretiens furent interrompus Comme un sapin s’affile et rétrécit ses branches Les poètes alors s’approchèrent de l’arbre Vers l’endroit où le roc limitait notre route, « Marie, ajoutait-on, pensait plus à la noce, Les Romaines, jadis, savaient se contenter Pendant l’âge premier, qui fut beau comme l’or, Sauterelles et miel furent la nourriture ainsi que vous pouvez le voir dans l’Évangile. » (248)
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239 - Sur le cinquième palier du Purgatoire on punissait en même temps les avares et les prodigues. Virgile et Dante n’avaient rencontré aucun prodigue sur leur passage ; ils pensaient donc que Stace était resté couché parmi les avares, et qu’il en avait été un. 240 - Ce sont deux vers de L’Énéide, III, 57-58, mais que Dante traduit à sa manière, en altérant leur sens au mieux des intérêts de sa démonstration. Virgile disait : Quid non mortalia pectora cogis, auri sacra famés ? « jusqu’où ne pousses-tu pas le coeur des mortels, maudite soif de l’or ? » Dans la traduction qu’en donne Dante, sacra famé est interprétée par de nombreux commentateurs comme « sainte, bienheureuse faim de l’or », et expliquée comme une référence à l’honnête désir des biens terrestres, que Dante n’exclut pas. Cette explication ne semble pas naturelle, et ce qui est honnête n’est pas forcément saint : il est plus probable que sacra est chez Dante un latinisme, que l’on comprend aisément dans une citation, et qu’il faut lui donner le sens du latin. 241 - Si je n’avais pas, dit Stace, réfléchi sur tes vers, je serais maintenant aux Enfers, en train de rouler des poids, les prodigues du septième cercle le font. 242 - En d’autres termes : on ne voit pas, dans ton poème sur la guerre de Thèbes, que ton inspiration poétique soit d’accord avec la religion chrétienne ; on ne voit pas que tu aies été chrétien. 243 - Saint Pierre. 244 - Vers connus de la IVe églogue, qui ont fait la célébrité de Virgile durant tout le Moyen Age, en le transformant en une sorte de prophète des gentils. Virgile chantait la naissance du fils d’Asinius Pollio ; mais ses paroles ont été interprétées comme l’annonce de la prochaine incarnation du Christ. 245 - La chronologie de la pénitence de Stace n’est pas claire. Mort environ en l’an 96, il dit avoir passé cinq cents ans parmi les couchés (cf. plus haut, chant XXI, vers 68), et quatre cents ans sur la quatrième terrasse, celle des négligents. Cela fait mille ans : il n’est pas dit ce qu’il fit pendant les trois cents ans qui le séparent encore du voyage de Dante au monde d’au-delà. 246 - Ce sont là des personnages de La Thébaïde de Stace. La fille de Tirésias est Manto, qui se trouvait avec les autres devins, au huitième cercle de l’Enfer : le fait de l’avoir introduite ici parmi les habitants du Limbe est une des erreurs de fait très rares dans l’oeuvre de Dante. 247 - Comme la journée commençait à six heures du matin, il est donc dix heures passées. 248 - Ce sont des exemples de tempérance et de sobriété, proposés aux gourmands qui occupent la sixième terrasse du Purgatoire. On les verra plus loin, amaigris par leur pénitence, qui consiste à voir les fruits et l’eau sans avoir le droit de les toucher.
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Dante
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