Horace - (-65 à -8)



Horace (en latin Quintus Horatius Flaccus) est un poète latin né à Vénose dans le sud de l'Italie, le 8 décembre 65 av. J.-C. et mort à Rome le 27 novembre 8 av. J.-C..

La vie d'Horace nous est essentiellement connue par son œuvre, riche en informations et considérée comme une source fiable. Quelques renseignements supplémentaires figurent dans la biographie De viris illustribus (Des hommes illustres) de Suétone.


Famille et enfance

Horace est issu d'une famille modeste. Son père est devenu esclave dans des circonstances mal connues, peut-être comme prisonnier de guerre au cours de la Guerre sociale en 89 av. J.-C., puis a été affranchi.
Le nom de Horatius était probablement, comme il en était l'usage, celui de son ancien maître : deux familles romaines portaient ce nom, ainsi qu'un ami de Cicéron qui possédait des champs près de Brundisium, c'est-à-dire près de la ville de naissance du poète ; il est impossible de savoir de qui le père a été l'esclave.
Il a pu également être un esclave public de la ville de Venose. Une fois affranchi, il exerce le métier de coactor, c'est-à-dire de caissier de ventes aux enchères, puis celui de praeco (« commissaire-priseur »).
Il possède quelques terres, confisquées après la mort de Jules César, et n'est pas pauvre, puisqu'il peut envoyer son fils passer l'été dans la fraîcheur du Mont Vultur. On ne sait rien de la mère du poète, qui ne mentionne ni frère ni sœur non plus.

Le nom complet du poète, Quintus Horatius Flaccus, montre qu'il faisait partie de la Tribu Horatia. Il n'est attesté que par l'inscription commandée à l'occasion des jeux séculaires organisés par Auguste en 17 av. J.-C. : CARMEN COMPOSVIT Q. HORATIVS FLACCVS (« Le poème a été composé par Q. Horatius Flaccus ») ; il s'agit du Chant séculaire.
Horace naît à Venose, aux frontières de l'Apulie et de la Lucanie, le 8 décembre 65 av. J.-C.. Quand le jeune Horace atteint l'âge de sept ou dix ans, son père s'installe à Rome ; on ne sait s'il y abandonne les affaires pour vivre des revenus de ses terres ou s'il y poursuit sa carrière. Il consacre son temps et une bonne partie de son argent à l'éducation de son fils et lui fait suivre les leçons du grammairien Lucius Orbilius Pupillus, qui enseigne Ennius, Livius Andronicus et bien sûr Homère.
Horace témoigne de cette période et de sa gratitude envers son père dans les Satires :

    « Si [...] ma vie est pure et innocente, mes jours chers à mes amis, le mérite en appartient à mon père qui, tout pauvre qu'il était, possesseur d'un maigre champ, ne voulut pas toutefois m'envoyer à l'école de Flavius, où allaient pour quelque argent, payé au retour des ides, avec leur bourse à jetons et leurs tablettes sous le bras gauche, les nobles fils de nos nobles centurions. Il osa me transporter à Rome, encore enfant, pour y apprendre ce que tout chevalier, tout sénateur voudrait qu'on enseignât à son fils. » (Satires, I, 6, vers 71-77)


En Grèce

Horace a environ vingt ans lorsqu'il part pour Athènes, pour y poursuivre l'étude du grec et découvrir la philosophie. Son père semble être mort avant ce départ et c'est à la même époque qu'il aurait commencé à écrire, dont au moins quelques vers en grec.
Il étudie à l'Académie auprès d'Aristos d'Ascalon. Horace est toujours en Grèce lors de l'assassinat de Jules César en 44 av. J.-C.. Peu après, Brutus et Cassius arrivent à Athènes et enrôlent de jeunes aristocrates dans leur armée ; Horace obtient le grade de tribun militaire en 42 av. J.-C., ce qui le fait entrer dans l'ordre des chevaliers et lui assure des privilèges à vie.
Lors de la première bataille de Philippes (première semaine d'octobre 42 av. J.-C.), les troupes de Brutus s'emparent du camp d'Octave, qui échappe de peu à la capture. Mais lors du second combat, le 22 octobre, Octave et Marc Antoine sont vainqueurs. Brutus se suicide. Horace fait partie des fuyards.


Retour à Rome

Quand une amnistie est accordée aux vaincus, Horace retourne en Italie (fin 42 ou début 41 av. J.-C.) ; ses terres lui ont été confisquées, et il prétend s'être retrouvé pauvre. Pourtant il possède encore suffisamment d'argent pour acheter, vers 40 av. J.-C., la charge de scriba quaestorius, c'est-à-dire de secrétaire au trésor (le questeur est le magistrat chargé des finances) : il n'a certainement jamais quitté cette charge, même s'il a pu ultérieurement en alléger les obligations.

Rapidement, il se lie d'amitié avec Virgile. Entre 40 et 38 av. J.-C., Virgile et Lucius Varius Rufus le présentent à Mécène, confident d'Auguste, protecteur des arts et des lettres, poète à ses heures.
Mécène le prend sous sa protection neuf mois plus tard, l'introduit dans les cercles politiques et littéraires de Pollion et Messala, et lui offre une villa en Sabine.

Les premières satires sont composées dès son retour à Rome et le premier livre des Satires semble être publié vers 35 ou 34 av. J.-C..

Il continue à l'élever socialement dans l'ordre équestre : après avoir été fait eques equo publico (chevalier dont le cheval est payé sur fonds publics) par Brutus en Grèce, puis avoir acheté la charge de scriba questorius à son retour à Rome, il devient iudex selectus (« juge de paix ») entre 35 et 30 av. J.-C..
La villa offerte par Mécène procure à Horace une retraite campagnarde appréciable ainsi que des revenus conséquents. Il atteint une vraie aisance financière et proclame qu'il pourrait, s'il le voulait, se faire élire questeur et devenir ainsi sénateur. Il est alors définitivement lié au régime.


Client de Mécène

Mécène est le dédicataire des Satires, des Épodes et des Odes et une vraie amitié liait les deux hommes.


Maturité

Il est possible qu'Horace soit présent à la bataille d'Actium en 31 av. J.-C. et c'est peu après (vers 30 av. J.-C.) que sont publiées les Épodes, poèmes dans la veine de l'iambographe grec Archiloque. Suit à une date inconnue le second livre des Satires.

La paix revenue avec Auguste, c'est une période de production intense qui s'ouvre. Jusqu'en 27 av. J.-C., il se consacre à des poèmes politiques et confirme ainsi son rapprochement avec le pouvoir augustéen : célébration de la mort de Cléopâtre, joie de la défaite des partisans d'Antoine, éloge de la réparation des temples par Auguste en 28 jusqu'en 24 av. J.-C., il célèbre les victoires d'Auguste hors d'Italie. Ces pièces, mêlées à des poèmes lyriques, forment les trois premiers livres des Odes, vraisemblablement parus vers 23 av. J.-C..
Le succès est mitigé et Horace s'essaie ensuite à un nouveau genre, ce qui aboutit à la publication du premier livre des Épîtres en 21 av. J.-C..

Auguste, revenu à Rome en 19 av. J.-C., offre à Horace d'être son secrétaire, poste que le poète refuse. En 17 av. J.-C., le prince lui confie l'honneur de composer le Chant séculaire (Carmen Saeculare) qu'interprètent solennellement, à l'occasion des Jeux séculaires, des chœurs mixtes d'enfants choisis parmi l'élite de la noblesse romaine. C'est peut-être aussi Auguste qui lui commande des poèmes pour les victoires de Tibère et Drususa ; ces poèmes sont recueillis avec d'autres dans un quatrième livre d’Odes qui paraît entre 13 et 8 av. J.-C..
Suivent encore les deux lettres du second livre des Épîtres et l’Art poétique, difficiles à dater.

Il meurt brutalement en 8 av. J.-C., quelques mois seulement après Mécène qui, sur son lit de mort, l'aurait encore recommandé à Auguste. Il est enterré au cimetière de l'Esquilin, près de la tombe de Mécène.


L'œuvre d'Horace

En dépit de sa grande difficulté, l'œuvre d'Horace a eu une influence non négligeable sur la littérature latine ; il est admiré, cité et repris par de nombreux auteurs, dont Jérôme, Sidoine Apollinaire ou Prudence, parfois au prix de malentendus ou de contresens, comme en témoigne par exemple le détournement de la fameuse devise Carpe diem, ou de la non moins célèbre formule Aurea mediocritas (« juste milieu précieux comme l'or »), tirées respectivement des Odes, I, 11 et II, 10.

Satires

Les Satires, connues dans les manuscrits sous le nom de Sermones (« causeries »), sont des poèmes de longueur variables en hexamètres dactyliques, regroupés en deux livres : le premier, de dix poèmes, est publié vers 35, le second, de huit pièces, vers 29 av. J.-C..
S'inspirant de son prédécesseur Lucilius (IIe siècle av. J.-C.), Horace renouvelle pourtant le genre en en limitant l'extension, en s'interdisant la satire politique, et en évitant de tomber dans la crudité et la vulgarité. Par ses nombreux portraits de personnages pleins de vices (avarice, gloutonnerie, raffinement extrême et ridicule dans la gastronomie, libido incontrôlée), Horace construit une morale de la modération et développe déjà le thème du juste milieu qu'il célèbre ultérieurement dans les Odes et les Épîtres.
Dès les Satires, le poète est un personnage important de son œuvre : le recueil, en plus de fournir des éléments biographiques importants, offre un portrait d'Horace mitigé, certes ridiculisé par son esclave ou par une prostituée, mais globalement « entaché de défauts médiocrement graves et en petit nombre ».
Les poèmes, composés sur une période d'au moins dix ans, témoignent de l'entrée d'Horace dans le cercle de Mécène et permettent de saisir le nouveau statut social qu'il a ainsi acquis.

Épodes

Imitées d'Archiloque et de Callimaque de Cyrène, les Épodes sont le deuxième recueil d'Horace. Publiées vers 30 av. J.-C. sous le titre d'Iambi (Iambes) elles réunissent dix-sept pièces écrites en distiques, à l'exception de la dernière, et utilisant l'iambe.
Genre du blâme, l'iambe permet à Horace d'attaquer ses ennemis sur des sujets variés : des ennemis personnels, comme un poète malveillant, les femmes en général, dont il attaque la lubricité, et les magiciennes en particulier, dont le personnage récurrent de Canidie. Le recueil se place aussi dans l'actualité des guerres civiles et alterne entre les pièces les plus anciennes, qui témoignent d'une vision très sombre de ces guerres interminables, et celles, plus récentes, qui célèbrent la victoire d'Actium.
L'hommage à Octave y reste discret, mais Horace se montre comme membre à part entière du cercle de Mécène. Le ton y est celui de l'invective ; le style est âpre et tendu ; l'érotisme le plus cru peut y côtoyer les accents les plus patriotiques.


Odes

Les Odes furent publiées en 23 ou 22 av. J.-C. pour les trois premiers livres et en 12 ou 7 av. J.-C. pour le quatrième. Ces quatre livres qu'Horace comparait fièrement aux pyramides d'Égypte, contiennent respectivement 38, 20, 30 et 15 pièces, soit au total 3 038 vers, dont six sans doute apocryphes (IV, 6, 21-24 et IV, 8, 15-16).

On a tour à tour salué, dans les Odes, l'exploit métrique (avec la mise en œuvre de quatre types de strophes différentes, six variétés de distiques et trois espèces de vers employés seuls), l'équilibre dans une harmonieuse architecture qui se déploie selon des proportions numériques aussi complexes qu'impeccables, la circulation, les interconnexions, les réseaux, les correspondances, les combinaisons et les symétries diverses, dont l'ensemble constitue une immense et ultrasensible chambre de résonance. Quant à l'incroyable virtuosité verbale qui tire du choix et de la place de chaque mot le maximum d'énergie possible, elle impressionnait Friedrich Nietzsche au plus haut degré par ce qu'il appelait sa « noblesse ».

    « On reconnaîtra jusque dans mon Zarathoustra une ambition très sérieuse de style romain, d'« aere perennius » dans le style. — Il n'en a pas été autrement de mon premier contact avec Horace. Jusqu'à présent aucun poète ne m'a procuré le même ravissement artistique que celui que j'ai éprouvé dès l'abord à la lecture d'une ode d'Horace.
Dans certaines langues il n'est même pas possible de vouloir ce qui est réalisé ici. Cette mosaïque des mots, où chaque mot par son timbre, sa place dans la phrase, l’idée qu’il exprime, fait rayonner sa force à droite, à gauche et sur l'ensemble, ce minimum dans la somme et le nombre des signes et ce maximum que l'on atteint ainsi dans l'énergie des signes — tout cela est romain, et, si l'on veut m'en croire, noble par excellence. Tout le reste de la poésie devient, à côté de cela, quelque chose de populaire, — un simple bavardage de sentiments... » (Friedrich Nietzsche, Le Crépuscule des idoles ou comment philosopher à coups de marteau, chapitre « Ce que je dois aux anciens » 1888).

Mais là où Horace se surpasse, là où il mérite le mieux le « laurier delphique » (Odes, III, 30), c'est dans la maîtrise du contenu. En apparence, rien de plus hétéroclite que les Odes, où semblent interférer de manière aléatoire la sphère privée et la sphère publique, les amours et la politique, le monde grec et le monde latin, la mythologie et l'actualité la plus brûlante, l'épicurisme poussé jusqu’au sybaritisme, et un stoïcisme aiguisé jusqu’à l'ascétisme et à un renoncement presque monacal avant la lettre.

Épîtres

Les Épîtres (Epistulae) furent publiées en 19 ou 18 av. J.-C., plutôt qu'en 20, date traditionnellement admise, et probablement après 13 av. J.-C. pour le second recueil.

Le premier recueil compte 20 pièces (soit 1 006 vers, dont sept probablement apocryphes dans la première pièce), le second 2 seulement, mais très longues (270 et 216 vers). S'y ajoute l'Épître aux Pisons, plus connue sous le nom d'Art poétique (476 vers).

Elles sont écrites en hexamètres, comme les Satires, et, comme elles, ce sont des « causeries » d'allure assez libre. Mais les Epîtres étant des lettres fictives, elles s'adressent à des personnes bien précises, et le ton y est moins vif, le style plus détendu.

La première épître du second recueil s'adresse ainsi directement à Auguste : ou comment tirer la queue du lion sans se faire mordre. Florus est le destinataire de la seconde, où Horace a déposé comme son testament spirituel et la quintessence de sa sagesse.

Textes en latin

 


Horace


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