Antoine de Bertin (1752-1790)
Recueil: Les Amours (1780) - Livre III

Les Baisers


 

Dieux ! que ta bouche est parfumée !
Donne-moi donc vite un baiser.
Encore un, ô ma bien-aimée !
De quel feu dévorant je me sens embraser !
— Prends ! sois heureux : en voilà vingt, Bathyle ;
En voilà trente ; en voilà cent en sus.
Est-ce assez ? — Non. — Je t’en donne encor mille.
Es-tu content ? — Las ! je brûle encor plus !
— Et combien donc, ingrat, pour apaiser ta flamme
Te faut-il aujourd’hui de baisers amoureux ?
— Autant (répondis-je), ô mon âme !
Que septembre mûrit, sur les coteaux pierreux
De Pomar ou d’Arbois de raisins savoureux ;
Autant qu’on voit d’épis jaunissants dans la plaine,
Ou de grains entassés dans le sable des mers ;
Autant qu’on voit briller dans une nuit sereine
D’étoiles, de soleils, et de mondes divers.
Quand tu m’en donnerais dès la naissante aurore,
Quand tu m’en donnerais jusqu’au déclin du jour,
Plus altéré, le soir, le soir, mourant d’amour,
Je t’en demanderais encore.

 

 


Antoine de Bertin

 

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