Amour le veut, retournons à Cythère.
Muse, renonce à tes sages loisirs.
Ce dur enfant sur mon luth tributaire
M’ordonne encor de vanter ses plaisirs.
N’irritons pas son humeur volontaire ;
Obéissons,
quels que soient ses projets.
Ma muse, un jour, tranquille et solitaire,
Tu traiteras de plus nobles sujets ;
Tu chanteras nos forces renaissantes,
D’un règne heureux monuments immortels,
Nos bords couverts
d’enseignes menaçantes,
Sous nos vaisseaux les deux mers blanchissantes,
Et l’Amérique embrassant nos autels ;
Tu nous peindras de son triple tonnerre
Louis armé pour maintenir ses droits,
Donnant la paix au reste de la terre,
Humiliant la superbe Angleterre,
Et de son joug affranchissant vingt rois.
Dis maintenant les faveurs des bergères,
Et les larcins des fortunés amants,
Leurs démêlés,
leurs fureurs passagères,
Et leurs transports, et même leurs tourments.
Je reprendrai les molles élégies.
Courez, mes vers, sur des pieds inégaux,
Et ramenez au milieu des orgies
Tous les
amours en triomphe à Paphos.
Applaudissez, ô nymphes du Permesse !
Tressez des fleurs pour votre nourrisson.
Entourez-moi, tendre et belle jeunesse :
Je tiens pour vous école de sagesse ;
Écoutez
bien ma dernière leçon.
Heureux, cent fois heureux, l’objet aimable
Dont le doux nom couronnera mes vers !
Mes vers seront un monument durable
De sa beauté qu’encensa l’univers.
Thèbes
n’est plus : tout ce vaste rivage
N’est qu’un amas de tombeaux éclatants ;
Sparte, Ilion, Babylone et Carthage
Ont disparu sous les efforts du temps ;
Le temps, un jour, détruira nos murailles,
Et ces jardins par la Seine embellis ;
Le temps, un jour, aux plaines de Versailles,
Sous la charrue écrasera les lis.
Ne craignez rien de sa rigueur extrême,
Ô charme heureux de mes derniers beaux jours
!
Regardez-vous, et songez qui vous aime :
Du ciel le temps a chassé les Dieux même ;
Ils sont tombés : mais vous vivrez toujours.