Qui ? Moi ! J’ai pu d’un air farouche Te repousser dans mon emportement ? J’ai pu meurtrir tes bras, noircir ton cou charmant, Et blesser sans pitié les roses de ta bouche ? Punis ces dents qui font couler
tes pleurs. Je m’offre, sans défense, à ta juste colère ; N’épargne pas mes yeux, imite mes fureurs. Je conduirai tes coups, si ta main délibère. Mais pourquoi donc ce rival
odieux Rôde-t-il sans cesse à ta porte ? Pourquoi ces billets qu’on t’apporte Avec un soin mystérieux ? Que veut cette foule idolâtre De papillons dorés, d’insectes orgueilleux, Qui bourdonne à ta suite, et t’annonce en tous lieux ? Que fais-tu la dernière au sortir du théâtre ? Que fais-tu la première au temple de nos Dieux ? Pardonne, ô ma jeune maîtresse
: Mon cœur s’inquiète aisément. Je l’avouerai : dans ma fougueuse ivresse Je ne sais point aimer paisiblement. L’oiseau, qui dans ton sein repose mollement, Et mord en se jouant ta langue
enchanteresse, D’un enfant au berceau l’innocente caresse, Un baiser de ta sœur alarme ma tendresse, Et désespère ton amant. Je suis jaloux de l’ouvrier habile Qui de ton corps mesure
les contours ; Je suis jaloux de ce marbre immobile, Qui tous les soirs te voit changer d’atours ; Je suis jaloux de toute la nature ; Et malheureux, jour et nuit tourmenté, Je crois voir un rival caché
dans ta ceinture, Et sous le tissu fin qui voile ta beauté.
Revenez, revenez, doux enfants de Cythère ; Ramenez-nous la paix et les aimables jeux ; Cachez à mes rivaux mon crime involontaire ; Couvrez ces vils combats des ombres du mystère : Eucharis me sourit, ma grâce est dans ses yeux.