Pourquoi reprocher à ma lyre De préluder toujours sur des tons amoureux ? Je ne saurais former dans mon faible délire De plus mâles accords, ni des chants plus heureux. Laissons, laissons d’un
vol agile L’ambitieux vaisseau fendre les flots amers ; D’un timide aviron ma nacelle fragile Doit raser humblement le rivage des mers. Dans nos jours trop féconds en discordes rebelles, Qu’un autre
en vers pompeux célèbre les combats ; Qu’il chante les héros : moi je chante les belles, De plus tendres fureurs et de plus doux ébats. Enfant gâté de la paresse, C’est assez
que Vénus me couronne de fleurs ; C’est assez que l’amant me lise à sa maîtresse, Qu’ils m’accordent ensemble un sourire ou des pleurs.
Ah ! si d’un tendre amour la fille
un jour éprise Me consulte en secret sur son trouble naissant, Et, vingt fois en sursaut par sa mère surprise, Dans son sein entr’ouvert me cache en rougissant, Je ne veux point d’autre gloire. Chez
nos neveux indulgents On chérira ma mémoire : Dieu fêté des jeunes gens, Dans mes amours négligents Ils trouveront leur histoire ; Et si l’Europe aux immortels écrits Ne
mêle point mes chansons périssables, On daignera peut-être dans Paris Me mettre au rang des poètes aimables.