« Qui donc est celui-ci, qui fait le tour du mont « Je ne le connais pas ; j’entends qu’il n’est pas seul ; Ainsi disaient plus loin deux âmes, se penchant l’une d’elles me dit : « Âme qui vas ainsi d’où viens-tu ? qui fus-tu ? car tu nous as produit Lors je dis : « Au milieu de la Toscane passe J’apporte de ses bords cette chair que voici ; « Si mon intelligence arrive à bien saisir Et l’autre d’ajouter : « Mais pourquoi donc cet homme L’ombre à qui paraissait s’adresser la demande puisque depuis sa source, où la chaîne des monts et jusqu’à l’embouchure où la mer récupère on fuit comme un serpent la vertu, que l’on tient finissant par changer tellement la nature Parmi de sales porcs, à qui les glands conviennent Plus loin, en descendant, il trouve des roquets Il s’enfonce plus bas, et plus il devient gros, Lorsqu’il arrive enfin aux terres les plus basses, Je ne laisserai pas de dire, et qu’on m’entende : Je vois ton petit-fils (149) en train de devenir Il me semble le voir qui vend leur chair sur pied, Il sort rempli de sang de la triste forêt, Comme lorsqu’on prédit des dommages prochains tel je vis l’autre esprit, qui s’était retourné, Les paroles de l’un et le maintien de l’autre Celui qui le premier venait de me parler Mais du moment où Dieu fait resplendir en toi Une si rude envie empoisonnait mon sang, De ce que j’ai semé tu peux voir la moisson. Celui-ci, c’est Renier, l’ornement et l’honneur Des montagnes au Pô, de la mer à Reno, puisque de bout en bout la terre est envahie Où sont le bon Lizio et Henri Mainardi, Quand verra-t-on encore un Fabbro, dans Bologne, Ne sois pas étonné si je pleure, ô Toscan, Frédéric le Teigneux avec tous ses amis, dames et chevaliers, plaisirs et aventures Pourquoi, Brettinoro, ne disparais-tu pas, Bagnacaval fait bien de ne plus engendrer ; Les Pagan feraient mieux d’arrêter, quand leur diable Pour toi-même, Ugolin de Fantolin, ton nom Mais va-t’en maintenant, Toscan, quoique les larmes, Nous savions tous les deux que ces esprits aimés À peine avions-nous fait quelques pas au-delà, « Quiconque me saisit pourra me mettre à mort ! » (161) Son bruit s’était à peine éteint dans mes oreilles, « Je suis, dit-elle, Aglaure, et je devins rocher. » (162) Mais déjà l’air semblait se calmer de partout ; Mais on mord à l’appât, et l’antique ennemi Le Ciel qui vous appelle est au-dessus des têtes, c’est pourquoi vous punit Celui qui connaît tout. »
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144 - Pélore, aujourd’hui cap Faro, est la pointe extrême de la Sicile, à proximité de la côte de Calabre : c’est un prolongement des Apennins. Dante ne le sait pas par la géologie, mais par la tradition antique, qui veut que la Sicile ait été primitivement rattachée au continent. 145 - Les porcs qui habitent le cours supérieur de l’Arno sont les habitants du Casentin en général, et les comtes Romena en particulier, puisqu’ils étaient dits aussi di Porciano. Cf. sur eux plus haut, Enfer, note 146 - Les roquets sont les habitants d’Arezzo, réputés par Dante plus insolents que vraiment forts ; c’est près d’Arezzo que l’Arno fait un coude, comme pour détourner « son museau ». 147 - Le Valdarno supérieur, correspondant à la région de Florence. 148 - Le Valdarno inférieur ; les renards sont les Pisans. 149 - Fulcieri dei Calboli en Romagne, podestat de Florence en 1303 et chef du parti des Noirs. C’est lui qui décréta le bannissement des Blancs, dont Dante, et qui fit arrêter ensuite ce qui restait de ce parti à Florence, et les fit décapiter. 150 - Guido del Duca, de la maison des Mainardi de Ravenne, était seigneur de Bertinoro ; il avait été juge à Faenza (1195) et à Rimini (1199) et était mort vers 1250. Cf. P. Amaducci, Lo spirto di Romagna, dans Ricordi di Ravenna médiévale, Ravenne 1921. 151 - Cette réflexion se trouve longuement commentée au chant suivant. 152 - Rinieri da Calboli, de la noble famille guelfe des Paolucci de Forli, fut podestat de Parme (1252). Ayant été exilé de Forli en 1294, il y revint en 1296, mais il fut pris et tué. 153 - Lizio, seigneur de Valbona, était Guelfe, au service de Guido Novello, podestat de Florence en 1260. Arrigo Mainardi, de la famille des seigneurs de Bertinoro (cf. plus haut, la note 150), avait été l’ami de Guido del Duca. Pierre Traversaro, Gibelin, fut seigneur de Ravenne de 1218 jusqu’à sa mort, en 1225. Guido di Carpigna, de la famille des comtes de Miratoio de Carpegna, dans la région de Montefeltro, ne nous est connu que par l’éloge que, à sa générosité, font les anciens commentateurs du poème. 154 - Fabbro Lambertazzi, de Bologne, chef des Gibelin de Romagne, mourut en 1259. Bernardino di Fosco, podestat de Pise (1248) et de Sienne (1249), était connu par ses libéralités. 155 - Guido de Prata, dans la région de Faenza, ami du suivant. Ugolin d’Azzo, de la famille toscane des Ubaldini fut consul de Faenza (1170). Federico Tignoso, de Rimini ainsi appelé par antiphrase, à cause de sa belle chevelure blonde. Les Traversari et les Anastagi étaient deux grandes familles de Ravenne. 156 - En Romagne. 157 - Brettinoro, aujourd’hui Bertinoro, ville entre Forli et Cesena, fief des Mainardi dont il a été question plus haut. 158 - Bagnacaval, bourgade sur le Senio, dans la région de Ravenne, fief des comtes Malvicini, dont la dernière descendante, en 1300, était la femme de Guido de Polenta, le dernier protecteur de Dante. Castrocaro et Conio étaient fiefs des comtes de Barbiano. 159 - Maghinardo Pagano de Susinana, chef et « diable » des Pagano, famille noble de Faenza, mourut en 1302. 160 - Ugolin dei Fantolini, de Cerfugnana dans la région de Faenza, mort vers 1278, avait laissé derrière lui une bonne réputation, que ses deux fils, morts avant 1286, n’avaient pas eu le temps de ternir. 161 - Paroles de Caïn après son meurtre. Cette vision, ainsi que la suivante, complètent les exemples de charité, par de nouveaux exemples, d’envie punie. 162 - Aglaure, envieuse des amours de sa soeur Hersé et de Mercure, avait été changée par ce dieu en rocher.
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Dante
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