Les gens pensaient jadis, au temps de leur danger (68), C’est pourquoi les Anciens, dans leur antique erreur, mais adoraient aussi Dione et Cupidon, C’est d’elle, qui fournit le début de mon chant, Je ne m’aperçus pas que j’y venais d’entrer (71) ; Et comme dans la flamme on voit une étincelle, je vis dans sa clarté d’autres flambeaux encore Le vent, qu’il soit visible ou non, ne tombe pas à celui qui verrait ces lumières divines Dans celles que je vis venir plus près de nous Puis l’une d’elles vint tout à fait près de nous Nous faisons une ronde aussi vite et la même, « Vous, du troisième ciel intelligence active » (73) ; Ayant jeté d’abord vers ma dame un regard je retournai les yeux vers la voix de lumière Comme et combien je vis s’augmenter tout à coup, En brillant de la sorte, elle finit par dire : Mon état bienheureux qui rayonne alentour Tu m’as beaucoup aimé : ce n’est pas sans raison, Le pays qui du Rhône atteint la rive gauche et d’Ausonie aussi cette pointe où fleurissent Mais déjà sur mon front scintillait la couronne Trinacria la belle en même temps (noircie par le soufre qui sort, et non pas par Typhée) (75), si le gouvernement de ces mauvais seigneurs, Si mon frère pouvait prévoir à temps ces maux, car effectivement il faut qu’il prenne soin D’ancêtres généreux il descendit avare ; « Croyant, comme je crois, que l’immense allégresse à l’endroit où tout bien se termine et commence, Toi qui me rends heureux, rends mon esprit plus clair, Ainsi lui dis-je ; et lui : « Si je puis te montrer Le Bien qui met en branle et rend heureux le règne et son intelligence étant parfaite en soi, Ainsi donc, chaque trait qui jaillit de cet arc Si cela n’était pas, le ciel où tu chemines ce qui ne peut pas être, à moins d’être imparfaits Sur cette vérité veux-tu plus de lumière ? » « Maintenant dis, fit-il : sur la terre, la vie « Et la cité peut-elle exister, sans qu’on vive Et progressant ainsi dans ses déductions, c’est ainsi que l’un naît Solon, l’autre Xerxès, Car les cercles des cieux, pour la cire mortelle, De là vient qu’il fut si peu ressemblant La nature engendrée emboîterait le pas, Or, tu vois devant toi ce qui restait derrière ; La nature qui trouve adverse la fortune, Si le monde, là-bas, s’appliquait davantage Pourtant, vous détournez vers la religion ce qui met vos sentiers bien loin des bons chemins. »
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69 - Vénus, la troisième étoile selon l’astronomie ancienne, passait pour diffuser une influence amoureuse et sensuelle. Il convient de répéter que la lune, les planètes et le soleil, du point de vue de Dante, sont tous des étoiles. 70 - Allusion à un passage de L’Énéide, où Cupidon prend l’aspect du fils d’Énée pour rendre Didon amoureuse de celui-ci. 71 - Suivant la croyance ancienne, Dante placera dans ce troisième ciel les âmes bienheureuses dont la vie a été marquée par l’influence de l’astre qui préside à l’amour. 72 - II a déjà été dit plus haut (Paradis, note 24) que les différences entre les objets s’expliquent par le degré d’intensité des influences venues des cieux les plus hauts, et en dernière analyse par l’intensité de leur vision de Dieu. 73 - En italien : Voi che ‘ntendendo il terzo ciel movete. C’est le commencement d’une chanson de Dante (Convivio, II, 2), adressée précisément aux anges ou aux intelligences suprêmes qui mettent en mouvement le ciel de Vénus, et qui répandent, par conséquent, les influences amoureuses. Les anges qui dansent au troisième ciel appartiennent au choeur des princes. 74 - Celui qui parle est Charles Martel, fils aîné de Charles II d’Anjou, roi de Naples ; couronné roi de Hongrie en 1290, il mourut en 1295, lorsqu’il n’avait que vingt-quatre ans. En 1294, il avait fait un séjour à Florence, où il dut connaître Dante. La Provence méridionale et le Royaume de Naples auraient dû lui revenir, s’il n’était pas mort prématurément. 75 - La Sicile (anciennement Trinacria, à cause de sa forme triangulaire), qui voit sa côte ionienne, du cap Passaro (Pachino) au sud au cap Faro (Pélore) au nord, noircie par le volcan issu, non pas de la sépulture du géant Typhée, comme le prétend la légende, mais des émanations sulfureuses de cette région ; la Sicile elle-même appartiendrait toujours aux descendants de Rodolphe de Habsbourg et de Charles d’Anjou, si elle avait été mieux gouvernée, et si l’on avait su prévenir la sanglante révolte des Vêpres siciliennes. 76 - Robert, frère cadet de Charles Martel et roi de Naples à partir de 1309, avait été otage de son père en Catalogne, et en était revenu entouré d’une cour de Catalans, auxquels il aimait confier des postes importants. 77 - Comment d’un père tel que Charles II d’Anjou, connu pour ses largesses, peut-il naître un fils aussi avare que Robert ? 78 - Si tout n’était pas prévu par la Providence, il en résultait un désordre tel, que l’on serait obligé d’admettre que les anges sont imparfaits, puisque ce sont eux qui font tourner les cieux et disposent de leur influence ; et s’ils l’étaient, il en résulterait que leur auteur aussi, qui n’est autre que Dieu, serait imparfait. 79 - Aristote, qui, dans L’Éthique, avait démontré le besoin je variété dans les penchants et les métiers des hommes. 80 - Dédale. 81 - Des jumeaux tels qu’Esaù et Jacob peuvent ne pas se ressembler ; d’autres fois, les enfants ne ressemblent nullement aux parents, témoin Romulus, grand héros né d’un père vil. 82 - Le fils serait en tout semblable au père. 83 - C’est peut-être une allusion aux deux frères de Charles Martel lui-même. L’un, Louis, avait été franciscain et mourut archevêque de Toulouse ; l’autre, Robert, déjà cité plus haut, fut roi de Naples, mais aimait faire des sermons, dont on sait qu’il a composé et prononcé environ trois cents.
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Dante
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