Marie-Françoise Balard (1776-1822)
Recueil : L'Amour Maternel (1810) - Poëme En Quatre Chants

Préface


 

Je ne connaissais point encore le poëme de M, de
Millevoye, quand je commençai le mien; et c'est à celui de
M. Legouvé sur le mérite des femmes, que j'en dois la
première idée. On s'étonnera peut-être que j'aie osé
m'exercer sur un sujet déjà traité par deux écrivains d'un
mérite aussi distingué; mais M. Legouvé n'a parlé qu'en
passant de L'amour maternel, qui n'est qu'une partie du
sujet qu'il avait embrassé, et j'ai souvent regretté, en
lisant le petit poëme de M. Millevoye, qu'il lui eut donné
si peu d'étendue. J'ai cru qu'il était encore permis à une
mère d'essayer de peindre les sensations qu'elle avait
elle-même éprouvées. C'est surtout sur l'indulgence des
femmes que je compte. Des détails susceptibles peut-être de
quelque intérêt à leurs yeux, paraîtront sans doute souvent
minutieux a un homme de lettres; il m'accusera aussi
quelquefois d'exagération, et de donner trop d'importance a
des bagatelles; mais s'il a à ses côtés une épouse ou une
mère, elles prendront, j'espère, ma défense. Craignant une
comparaison qui ne pourrait que m'être désavantageuse, j'ai
évité autant qu'il m'a été possible de reproduire les
situations et les épisodes dont MM. Legouvé et Millevoye
ont embelli leurs ouvrages; je leur ai seulement emprunté
quelques expressions qui se sont glissées dans mes vers,
pour ainsi dire malgré moi. Je les ai laissées, désespérant
de les remplacer par rien d'aussi heureux de mon propre
fonds. J'espère qu'ils voudront bien me pardonner ces
petits larcins, que je ne me suis pas au reste permis bien
souvent. Quelques idées de M. de Châteaubriant, et quelques
unes de ses belles images avaient frappé fortement mon
imagination, elles s'adaptaient naturellement a mon
sujet; je n'ai pu résister au plaisir de les imiter dans
des vers bien moins poétiques que sa prose.
 
Jusque vers le milieu du troisième chant, je n'ai fait à
peu près que mon histoire: ce n'est point un récit
d'aventures; j'ai tâché seulement de peindre mes
sensations, et surtout les affections de mon coeur; et
l'expérience de ce que j'ai déjà éprouvé m'ayant fait
pressentir les jouissances qui m'attendent encore, j'ai
anticipé de quelques années sur l'avenir.
 
C'est avec la plus grande défiance que j'offre au Public
ce premier essai; je ne suis point aveuglée sur son faible
mérite; je sens combien il est au dessous de l'idée que je
m'étais formée de mon sujet. J'ai supprimé, j'ai souvent
essayé de corriger; mais que je suis loin de cette heureuse
facilité que possèdent, m'assure-t-on, quelques uns de nos
poètes, de tourner et retourner leurs idées à volonté, pour
les exprimer telles qu'ils les ont conçues, en se jouant
des entraves de la versification. Il reste encore bien des
choses sur mon coeur, dont une plume plus exercée pourrait,
je crois, tirer quelque parti; mais les couleurs et les
expressions m'ont manqué pour les rendre.
 
Je ne redoute point la critique, j'y suis préparée
d'avance; je m'estimerai heureuse, au contraire, qu'on me
juge digne de recevoir des avis. Quoique mère de famille,
je suis jeune encore; pour peu qu'ils soient mêlés de
quelques encouragements (et je ne porte pas mes prétentions
plus haut), avec plus d'expérience, plus d'habitude de la
versification, et, si j'ose le dire, avec un peu plus de
confiance, peut-être pourrai-je faire mieux à l'avenir.

 

 


Marie-Françoise Balard

 

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