Tu ris, dans ta barbare ivresse, Des maux qu’endure mon amour : Objet des caprices d’un jour, Triomphe, insulte à ma détresse ; Triomphe, crois-moi : le temps presse ; Demain ta crédule tendresse Gémira peut-être à son tour. Crois-tu déjà que l’infidèle Pour toi parfume ses cheveux ? On sait quel jeune ambitieux Est en secret préféré d’elle. Tu n’es plus rien : c’est à ses yeux Que l’ingrate veut être belle. Tu ne connais pas les dédains De cette amante impérieuse, Et sa colère impétueuse, Et ses caprices
inhumains. La paille errante et passagère, Qui dans l’air tourne en s’élevant, La laine éparse au gré du vent, La feuille du tremble mouvant Est moins inconstante et légère
: Cent fois plus terrible en ses jeux Que la cascade vagabonde, Qui des Apennins orageux Se précipite, écume, gronde, Et roule dans les champs fangeux ; Ou que la mer adriatique, Quand des bords d’Europe
et d’Afrique Deux vents déchaînés dans les airs, Jusque dans le sein de Venise, Sur le dos de Neptune assise, Font bouillonner les flots amers.