Tandis que je craignais d’avoir perdu la vue, me dit : « En attendant de recouvrer la vue, Commence donc, et dis vers quelle fin aspire La dame qui conduit dans ces saintes contrées Je dis : « Qu’à son plaisir, que ce soit tôt ou tard, Le Bien qui rend heureux ce palais est pour moi Et cette même voix qui m’avait enlevé en disant : « Il te faut, certes, passer cela « C’est grâce aux arguments de la philosophie puisque le bien en tant que bien, sitôt conçu, C’est à l’Essence donc qui dépasse les autres qu’il faut, grâce à l’amour, plus qu’à toute autre essence, Celui qui m’a montré le premier des amours Du véritable Auteur la voix me la propose, Tu me l’as dite aussi, dans l’illustre criée (368) J’entendis qu’il disait : « Par intellect humain Explique-moi, pourtant, si tu sens d’autres cordes La sainte intention de cet aigle du Christ Je recommençai donc : « En effet, les morsures L’existence du monde, avec mon existence, et le savoir certain dont je viens de parler, Les feuilles dont remplit son jardin tout entier Sitôt que je me tus, un chant des plus suaves Comme, quand nous réveille une forte lumière, le réveillé répugne à ce qu’il voit d’abord, de même Béatrice éloigna de mes yeux Grâce à cela, je vis, mieux que je n’avais vu, Et ma dame me dit : « Au sein de ces rayons Et pareil au rameau qui fait fléchir sa cime tandis qu’elle parlait, tel je devins moi-même, Alors je commençai : « Ô fruit qui fus unique le plus dévotement que je puis, je te prie Comme un cheval bronchant sous le caparaçon, de la même façon la première des âmes Puis elle prononça : « Sans que tu me l’exprimes puisque je les contemple au miroir véridique Tu veux savoir de moi depuis combien de temps combien de temps il fut de mes yeux la liesse ; Or, mon fils, ce n’est pas le bruit de l’arbre en soi Et là-bas, d’où ta dame a fait venir Virgile, Je l’avais déjà vu passer par tous les signes La langue a disparu, que j’ai d’abord parlée, car l’effet que produit la raison elle-même Le langage de l’homme est un fait naturel ; Avant que je descende à l’angoisse infernale, Plus tard on l’appelait El (372), et c’était normal, Sur le mont le plus haut qui domine les ondes (373) après que le soleil a changé de quadrant. »
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363 - Ananias avait rendu la vue à saint Paul par la simple imposition des mains. 364 - Je n’aime que le Bien du Paradis et je n’aspire qu’à lui. 365 - La révélation. 366 - La source indiquée ici est nécessairement une source philosophique, puisque l’exposé de Dante suit le plan tracé par lui-même, et présente d’abord les arguments de la philosophie, et ensuite ceux de la révélation. On a pensé à Aristote, qui, dans De causis, fait de Dieu la cause suprême et met dans les âmes le désir de s’y réunir ; ou bien à Platon, qui dans le Symposion fait de l’amour la première de toutes les substances éternelles. Mais ce sont là des idées que le poète pouvait trouver dans d’autres auteurs aussi. 367 - Exode XXXIII : 19. 368 - L’Apocalypse, conçu comme avertissement ou annonce de ce qui sera. 369 - Après avoir parlé de l’amour de Dieu, le poète parle aussi de l’amour du prochain. Il aime les « feuilles » , créatures du Jardinier éternel, dans la mesure où il retrouve en elles un reflet de la divine Vertu. 370 - Adam. 371 - Adam était resté dans l’Enfer pendant 4302 ans. Il faut additionner à ce chiffre les 930 ans de vie d’Adam et les 1266 qui avaient passé en 1300 depuis la mort du Christ et sa descente aux Enfers : on obtient ainsi l’âge de la création, selon le calcul de Dante. L’année 1300 serait l’année 6498 depuis la création du monde ; et Adam aurait été créé l’an 5198 avant J.-C. 372 - On ne sait où Dante avait trouvé la forme, qu’il indique pour le nom primitif de Dieu ; il est douteux qu’il l’ait forgée lui-même, comme le pensent les commentateurs — car il n’aurait pas construit des théories linguistiques sur des mots inventés à plaisir. La forme El est courante en hébreu, et Dante la mentionne aussi dans De vulgari eloquio, I, 4 ; cf. G. Colonna di Cesarò, II primo nome di Dio secondo Dante, dans Giornale dantesco, 1927 pp. 118-123. Dante l’avait trouvée sans doute dans Isidore de Séville, Etymologiae, VII, 1 : Primum apud Hebraeos Dei nomen el dicitur, secundum nomen Elois est. Cela permet de supposer que Dante avait peut-être consulté un manuscrit défectueux de cet ouvrage, dans lequel il trouvait ou croyait trouver aussi la forme mystérieuse 7, grâce à une corruption du texte, comme par exemple celle qui lui aurait permis de lire : Primum apud Hebraeos Dei i nomen, el dicitur secundum : nomen Elois est. 373 - Le Paradis terrestre. Adam y vécut depuis la première heure du jour, soit depuis six heures du matin, jusqu’à une heure de l’après-midi.
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Dante
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