Toi que notre bonheur offense, Et qui des plus tendres amours Traverses le paisible cours, Crains Vénus, et crains sa vengeance. Crains son fils, dont le trait vainqueur Ne manqua jamais sa victime : Crains qu’il
n’allume dans ton cœur Ces feux dont tu me fais un crime. Puisses-tu brûler quelque jour, Et n’obtenir aucun retour ! Puisse ton amante farouche Te promettre enfin un baiser, Et tout-à-coup
le refuser En posant la main sur sa bouche ! Que ton rival, moins amoureux, Au même instant soit plus heureux ! Et si jamais à l’inconstante Tu dérobais un rendez-vous, Puisse alors le sommeil
jaloux Tromper son amoureuse attente ! Puisse le marteau fortuné, Dans l’air tout-à-coup enchaîné, Ne point réveiller ta maîtresse ! Et toi, passer dans la tristesse Le
temps au plaisir destiné ! Enfin, si ton heureuse étoile Te conduisait entre ses bras, Puisse-t-elle sur ses appas Garder toujours un dernier voile.