Encore un hymne, ô ma lyre !
Un hymne pour le Seigneur,
Un hymne dans mon délire,
Un hymne dans mon bonheur !
Oh ! qui me prêtera le regard de l'aurore,
Les ailes de l'oiseau, le vol de l'aquilon ?
Pourquoi ? - Pour te trouver, toi que mon âme adore,
Toi qui n'as ni séjour, ni symbole, ni nom !
Qu'ils sont heureux, les sons qui partent de ma lyre !
D'un vol mélodieux ils s'élèvent vers toi;
Ils remontent d'eux-même au Dieu qui les inspire :
Et moi, Seigneur, et moi,
Je reste où je languis,
je reste où je soupire !
Encore un hymne, ô ma lyre !
Un hymne pour le Seigneur,
Un hymne dans mon délire,
Un hymne dans mon bonheur !
Esprits qui balancez les astres sur nos têtes,
Vous qui vivez de feu comme nous vivons d'air,
Anges qui respirez le tonnerre et l'éclair,
Soleils, foudres, rayons, cicux étoiles, tempêtes,
Parlez : est-il
où vous êtes ?
Dans tes abîmes, ô mer ?
J'étais né pour briller où vous brillez vous-même,
Pour respirer là-haut ce que vous respirez,
Pour m'enivrer du jour dont vous vous enivrez,
Pour voir et réfléchir cette beauté
suprême
Dont les yeux ici-bas sont en vain altérés !
Mon âme a l'oeil de l'aigle, et mes fortes pensées,
Au but de leur désir, volant comme des traits,
Chaque fois que mon sein respire,
plus pressées
Que les colombes des forêts,
Montent, montent toujours, par d'autres remplacées,
Et ne redescendent jamais.
Les reverrai-je un jour ? Mon Dieu, reviendront-elles,
Ainsi que le ramier qui traversa les flots,
M'apporter un rameau des palmes immortelles
Et me dire : « Là-haut est un nid pour nos ailes,
Une terre, un lieu de
repos ? »
Encore un hymne, ô ma lyre !
Un hymne pour le Seigneur,
Un hymne dans mon délire,
Un hymne dans mon bonheur !
Mon âme est un torrent qui descend des montagnes,
Et qui roule sans fin ses vagues sans repos
A travers les vallons, les plaines, les campagnes,
Où leur pente entraîne ses flots.
Il fuit quand le jour meurt,
il fuit quand naît l'aurore;
La nuit revient, il fuit; le jour, il fuit encore.
Rien ne peut ni tarir ni suspendre son cours,
Jusqu'à ce qu'à la mer, où ses ondes sont nées,
Il rende en murmurant
ses vagues déchaînées,
Et se repose enfin en elle, et pour toujours !
Mon âme est un vent de l'aurore
Qui s'élève avec le matin,
Qui brûle, renverse, dévore
Tout ce qu'il trouve en son chemin.
Rien n'entrave son vol rapide :
Il fait trembler la tour comme la
feuille aride
Et le mât du vaisseau comme un roseau pliant;
Il roule en plis de feu le tonnerre et la nue,
Et, quand il a passé, laisse la terre nue
Comme la main du mendiant;
Jusqu'à ce qu'épuisé
de sa fuite éternelle,
Et comme un doux ramier de sa course lassé,
Il vienne fermer son aile
Dans la main qui l'a lancé.
Toi qui donnes sa pente au torrent des collines,
Toi qui prêtes son aile au vent pour s'exhaler,
Où donc es-tu, Seigneur ? Parle : où faut-il aller ?
N'est-il pas des ailes divines,
Pour que mon àme
aussi puisse enfin s'envoler ?
Encore un hymne, à ma lyre !
Un hymne pour le Seigneur,
Un hymne dans mon délire,
Un hymne dans mon bonheur !
Je voudrais être la poussière
Que le vent dérobe au sillon,
La feuille que l'automne enlève en tourbillon,
L'atome flottant de lumière
Où remonte le soir aux bords de l'horizon,
Le
premier reflet de l'aurore,
Le son lointain qui s'évapore,
L'éclair, le regard, le rayon,
L'étoile qui se perd dans ce ciel diaphane,
Ou l'aigle qui va le braver,
Tout ce qui monte, enfin, ou vole, ou
flotte, ou plane,
Pour me perdre, Seigneur, me perdre, ou te trouver !
Encore un hymne, ô ma lyre !
Encore un hymne au Seigneur,
Un hymne dans mon délire,
Un hymne dans mon bonheur !