Dorat, d’une certaine main, Osant emprises malaisees, Dans le pré Gregeois et Romain, Tu triras les fleurs mieux prisees Pour t’en lier un chapeau rond, Ornement à ton docte front. Moy que l’Apollon étranger Autant que toy ne favorise, Me chargeant d’un faix plus legier Je suivray ma basse entreprise, Sans mes nerfs lasches employer, À ce qui les face ployer. Peut estre qu’avec l’âge un jour Les neuf Soeurs me feront la grace, Que de me donner à mon tour, Dorat, non la derniere place, Entre vous qui d’un oser beau Vous ceignez d’étranger chapeau. Tandis ma force cognoissant, Non le dernier de nos Poëtes, Ains de pres les premiers pressant, Les chansons que jeune j’ay saittes Par les François je chanteray, Et tes honneurs je ne teray. À peine estant hors du berceau Je ne teray qu’en mon ensance, Au bord du chevalin ruisseau J’allay voir des Muses la dance, Par toy leur saint Prestre conduit Pour estre à leurs festes instruit. Là tour à tour les saintes Soeurs, Qu’ainsi comme Apollon leur guide, Sous tes ravissantes douceurs, Du long de l’onde qui se ride, Tu conduis cueillans des rameaux En leurs lauriers tousjours nouveaux: En vindrent aplanir mon chef, Deslors m’avouant pour leur prestre, Que guarenti de tout mechef, Fait grand depuis je devois estre: Car puis le tems que je les vy Autre mestier ne m’a ravy. Tousjours franc depuis j’ay vescu De l’ambition populaire, Et dans moy s’est tapy vaincu Tout ce qui domte le vulgaire: Et confiant aupres de leur bien Je n’ay depuis estimé rien. Pres de leurs dons j’ay méprisé Tout ce que le commun honore, L’honneur et le bien tant prisé Et tout ce que le monde adore: Pauvre et libre j’ay mieux voulu Poursuivre leur mestier eslu. Volant par le Gaulois païs, Jeune de ma louable emprise, J’ay mieux voulu rendre ébahis Ceux-là dont la voix m’autorise, Desquels si gloire je reçoy, La plus part, Dorat, est à toy. Et que sert monceaux amasser D’or et d’argent, quand nostre vie Fresle et verrine à se casser N’en permet jouyr ? quelle envie, Aveugles avaricieux, Vous ronge vos coeurs vicieux ? Ah chetifs! ne sentes-vous pas La pale mort triste-riante Qui vous talonne pas à pas, Et de tous vos biens vous absente ? Et que porterez-vous au cercueil Fors un miserable linceuil ? Seul linceuil, que le fossoyeur Ne lairra pas pourrir ensemble Quant et vous! sur qui, ô douleur ! Un tas de vers desja s’assemble: Mais qu’avous au monde acquesté, Qui témoigne qu’ayez esté ? Ô que l’homme est bien plus heureux, Qui tient à mépris vos richesses: Et jouit du bien doucereux Qu’élargissent les neus Deesses. Tandis que du jour jouissez Semblables à l’or palissez. Mais nous pendant que nous arons Respit de la Parque gloutonne, Vaincueurs malgré les ans larrons, Nous nous tordrons une couronne, Dont le fueillage verdissant Pour l'âge n'ira fletrissant. |
Jean-Antoine de Baïf
Jean-Antoine de Baïf - Poèmes
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