Arthur Rimbaud (1854-1891) Recueil : Derniers vers (1872)
Jeune ménage
La chambre est ouverte au ciel bleu-turquin ; Pas de place : des coffrets et des huches ! Dehors le mur est plein d’aristoloches Où vibrent les gencives des lutins.
Que ce sont bien intrigues de génies Cette dépense et ces désordres vains ! C’est la fée africaine qui fournit La mûre, et les résilles dans les coins.
Plusieurs entrent, marraines mécontentes, En pans
de lumière dans les buffets, Puis y restent ! le ménage s’absente Peu sérieusement, et rien ne se fait.
Le marié a le vent qui le floue Pendant son absence, ici, tout le temps. Même des esprits des eaux, malfaisants Entrent vaguer aux sphères de l’alcôve.
La nuit, l’amie oh ! la lune de miel Cueillera leur sourire et remplira De mille bandeaux de cuivre le
ciel. Puis ils auront affaire au malin rat.
— S’il n’arrive pas un feu follet blême, Comme un coup de fusil, après des vêpres. — Ô spectres saints et blancs de Bethléem, Charmez plutôt le bleu de leur fenêtre !