Quand l'horloge a sonné le moment du départ,
Aucune larme, ami, n'a voilé ton regard !
Tu m'as pressé la main... j'ai cru voir un sourire
Se mêler à l'adieu que tu venais me dire ;
Car
pour ton cœur, tranquille en pensant au retour,
Ce n'était point partir que s'éloigner un jour.
Et que m'importe à moi que la nuit te ramène !...
Il fait jour et tu pars ! Du coursier qui t'entraîne
Tu déchires les flancs, en disant : « Au revoir ! »
Mais aujourd'hui me reste avant d'être à ce soir !
À ton dernier regard, pour moi, le temps s'arrête.
Un livre est sous mes yeux, mais mon âme distraite
S'en retourne vers toi ; car nos âmes sont sœurs,
Et j'ai souvent rêvé qu'en des mondes
meilleurs,
En des pays lointains, ou dans les cieux peut-être...
Je vivais de ta vie, et nous n'étions qu'un être ;
Mais Dieu brisa notre âme, et de chaque moitié
Il a créé nos cœurs,
permettant par pitié
Qu'ils pussent se revoir et s'aimer sur la terre,
Où l'amour leur rendrait leur nature première.
Des pleurs que je répands, tout homme se rirait :
Les chagrins passagers vous cachent leur secret.
Vos cœurs ont des transports et n'ont point de faiblesse ;
Vous pleurez d'un malheur, pleurez-vous de tristesse ?
Vous
ne connaissez pas ces noirs pressentiments,
Ces rêves où l'esprit, se forgeant des tourments,
Cherche dans notre amour un sinistre présage,
Comme un soleil trop vif laisse prévoir l'orage !
Reviens d'un seul regard me rendre mon ciel pur,
Reviens, parle, souris, et mon bonheur est sûr.
Aux accents de ta voix s'éloigne la tempête ;
Sur ton sein palpitant, je repose ma tête...
Berce, endors
mes terreurs par un doux chant d'amour,
Et laisse-moi sourire et pleurer tour à tour.
Sans crainte, de la mort je serais menacée,
Je mourrais dans tes bras et sur ton cœur pressée !
Mais si tu succombais... alors, sans désespoir,
Comme toi, ce matin, je dirais : « À ce soir !
De quelques courts instants ton âme me devance,
Attends-moi dans les cieux, ce n'est qu'un jour d'absence ! »