Vous souvient-il, cocodette un peu mûre Qui gobergez vos flemmes de bourgeoise, Du temps joli quand, gamine un peu sure, Tu m’écoutais, blanc-bec fou qui dégoise ? Gardâtes-vous fidèle la mémoire, Ô grasse en des jerseys de poult-de-soie, De t’être plu jadis à mon grimoire, Cour par écrit, postale petite oye ? Avez-vous oublié, Madame Mère, Non, n’est-ce pas, même en vos bêtes fêtes, Mes fautes de goût, mais non de grammaire, Au rebours de tes chères lettres bêtes ? Et quand sonna l’heure des justes noces, Sorte d’Ariane qu’on me dit lourde, Mes yeux gourmands et mes baisers féroces À tes nennis faisant l’oreille sourde ? Rappelez-vous aussi, s’il est loisible À votre cœur de veuve mal morose, Ce moi toujours tout prêt, terrible, horrible, Ce toi mignon prenant goût à la chose, Et tout le train, tout l’entrain d’un manège Qui par malheur devint notre ménage. Que n’avez-vous, en ces jours-là, que n’ai-je Compris les torts de votre et de mon âge ! C’est bien fâcheux : me voici, lamentable Épave éparse à tous les flots du vice, Vous voici, toi, coquine détestable, Et ceci fallait que je l’écrivisse !
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Paul Verlaine
Verlaine - Parallèlement (1889)Oeuvres de Verlaine |