Ce dict maint un de moy: «De quoy se plaint il tant, Perdant ses ans meilleurs, en chose si legiere ? Qu'a il tant à crier, si encore il espere ? Et, s'il n'espere rien, pour quoy n'est il content ?»
Quand j'estois libre et sain, j'en disois bien autant; Mais certes celuy là n'a la raison entiere, Ains a le coeur gasté de quelque rigueur fiere, S'il se plaint de ma plainte, et mon mal il n'entend.
Amour, tout à un coup, de cent douleurs me point: Et puis l'on m'advertit que je ne crie point ! Si vain je ne suis pas que mon mal j'agrandisse,
A force de parler: s'on m'en peut exempter, Je quitte les sonnetz, je quitte le chanter Qui me deffend le deuil, celuy là me guerisse.
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Ce dit maint un de moi : « De quoi se plaint-il tant, Perdant ses ans meilleurs en chose si légère ? Qu’a-t-il tant à crier, si encore il espère ? Et s’il n’espère rien,
pourquoi n’est-il content ? »
Quand j’étais libre et sain, j’en disais bien autant. Mais, certes, celui-là n’a la raison entière, Ains a le cœur gâté
de quelque rigueur fière, S’il se plaint de ma plainte, et mon mal il n’entend.
Amour tout à un coup de cent douleurs me point. Et puis l’on m’avertit que je ne crie point ! Si
vain je ne suis pas que mon mal j’agrandisse,
À force de parler : s’on m’en peut exempter, Je quitte les sonnets, je quitte le chanter ; Qui me défend le deuil, celui-là me guérisse.