Souffre un moment encor; tout n'est que changement; L'axe tourne, mon coeur; souffre encore un moment. La vie est-elle toute aux ennuis condamnée ? L'hiver ne glace point tous les mois de l'année, L'Eurus retient
souvent ses bonds impétueux; Le fleuve, emprisonné dans des rocs tortueux, Lutte, s'échappe, et va, par des pentes fleuries, S'étendre mollement sur l'herbe des prairies. C'est ainsi que, d'écueils
et de vagues pressé, Pour mieux goûter le calme, il faut avoir passé, Des pénibles détroits d'une vie orageuse, Dans une vie enfin plus douce et plus heureuse. La Fortune, arrivant à pas
inattendus, Frappe, et jette en vos mains mille dons imprévus: On le dit. Sur mon seuil jamais cette volage N'a mis le pied. Mais quoi ! son opulent passage, Moi qui l'attends plongé dans un profond sommeil, Viendra, sans que j'y pense, enrichir mon réveil. Toi, qu'aidé de l'aimant plus sûr que les étoiles, Le nocher sur la mer poursuit à pleines voiles; Qui sais de ton palais, d'esclaves abondant, De diamants, d'azur, d'émeraudes ardent, Aux gouffres du Potose, aux antres de Golconde, Tenir les rênes d'or qui gouvernent le monde, Brillante déité ! tes riches favoris Te fatiguent sans cesse
et de voeux et de cris: Peu satisfait le pauvre. Ô belle souveraine ! Peu; seulement assez pour que, libre de chaîne, Sur les bords où, malgré ses rides, ses revers, Belle encor l'Italie attire l'univers, Je puisse au sein des arts vivre et mourir tranquille ! C'est là que mes désirs m'ont promis un asile; C'est là qu'un plus beau ciel peut-être dans mes flancs Éteindra les douleurs et les sables
brûlants. Là j'irai t'oublier, rire de ton absence; Là, dans un air plus pur respirer, en silence Et nonchalant du terme où finiront mes jours, La santé, le repos, les arts et les amours.