Pindare (-518 à -438)

Traduction de Faustin Colin (1841)

PYTHIQUE X



A HIPPOCLÈS THESSALIEN, VAINQUEUR AU DOUBLE STADE

Strophe 1.  — Heureuse est Lacédémone; fortunée, la Thessalie; car toutes deux sont gouvernées par une race issue du même père, du très-vaillant Hercule (242). Pourquoi cette jactance hors de saison ? Eh! c'est Pytho, c'est Pélimnée (243) qui m'appelle; ce sont les fils d'AIève (244), impatients d'amener à Hippoclès le chœur des hommes à la belle voix.

Antistrophe 1. — Car il tente les luttes; et, dans l'assemblée des peuples voisins, le vallon du (245) Parnasse l'a proclamé le premier des jeunes gens qui parcourent le double stade. O Apollon, quoique les hommes achèvent ou commencent avec bonheur, le succès vient d'un dieu, et les conseils ont dirigé Hippoclès; puis naturellement il a suivi les traces d'un père (246)

Épode 1. — Deux fois Olympionique avec les armes guerrières de (247) Mars. Phricias encore, sous la roche de Cirrha (248) aux vastes prairies, a vaincu à la course à pied. Puisse la fortune les protéger aussi dans les jours à venir, afin qu'ils aient la fleur des richesses magnifiques !

Str. 2. — Si leur part n'a point été faible dans les gloires de la Grèce, que les dieux ne leur fassent point encourir de cruelles vicissitudes! que la divinité les favorise de cœur! Il est heureux, et les sages doivent le chanter, ce mortel vainqueur par la vigueur des mains ou des pieds, qui doit les prix les plus nobles à son courage et à sa force;

Ant. 2. — Qui (249) a vécu assez pour voir un jeune fils (250) obtenir loyalement les couronnes de Pytho. Il ne montera jamais jusqu'au ciel d'airain ; mais toutes les joies que nous pouvons atteindre, race mortelle, il en a touché le dernier terme. Ni sur des vaisseaux, ni à pied, vous ne découvrirez la merveilleuse route qui mène aux fêtes des (251) Hyperboréens;

Ép. 2. — Où jadis fut accueilli Persée (252), chef des peuples , qui entra dans leurs palais et les trouva sacrifiant à dieu de magnifiques hécatombes d'ânes. Leurs banquets sans fin, leurs cris de joie charment surtout Apollon ; il rit en voyant se dresser les lubriques animaux.

Str. 3. — La Muse pourtant n'est point proscrite par leurs mœurs. Mais de toutes parts les chœurs des vierges, les bruyantes lyres et les flûtes sonores sont en mouvement; les cheveux ceints de lauriers d'or, ils se livrent à la joie des festins; ni les maladies, ni la funeste vieillesse n'approchent de cette nation sainte; loin des fatigues et des guerres, ils vivent à l'abri des vengeances de Némésis.

Ant. 3. — Mais un jour, celui dont le cœur ne respirait que l'audace, le fils de Danaè (253), pénétra, sous la conduite de Minerve, dans l'assemblée de ces mortels heureux ; et il tua la Gorgone (254), et avec sa tête hérissée d'une crinière de serpents, il revint apporter la mort aux insulaires (255), qu'elle pétrifiait.

Ép. 3. — Rien de merveilleux, quand les dieux interviennent, ne me parait incroyable. Arrête ta rame(256), vite, que l'ancre jetée de la proue morde la terre et nous sauve de l'écueil caché. Car les éloges de mes hymnes fleuris, semblables à l'abeille, volent d'un sujet à un autre.

Str. 4. — Je l'espère donc, les Ephyréens (257) répandront les doux accents de ma voix sur les rives du Pénée, et ces chants feront admirer davantage encore les couronnes d'Hippoclès parmi les jeunes gens de son âge et les vieillards ; il sera le rêve des jeunes vierges. Chaque cœur a sa passion qui l'aiguillonne.

Ant. 4. — Quiconque a vu ses vœux comblés doit s'attacher au présent : ce qui sera dans un an, il est impossible de le prévoir. Je compte sur l'hospitalité gracieuse de Thorax, qui, en demandant mon aide, attela ce quadrige des Piérides ; ami d'un ami, soutien de qui le soutient.

Ép. 4. — L'épreuve fait briller l'or et une âme droite. Nous louerons aussi des frères vertueux, puisqu'ils élèvent en l'agrandissant la terre de Thessalie. Sur des hommes de cœur y repose de père en fils le noble gouvernement des cités.

 

(242) On croit que les Alevades et la famille d'Hippoclès étaient liées aux Héraclides; ce début est donc naturel.  

(243) Ville de Thessalie.

(244) De Larisse.

(245) Delphes.

(246) De Phricias.

(247) A la course armée.

(248) Prés du Parnasse, aux jeux pythiques.

(249) Hippias.

(250) Hippoclès.

(251) Dans la troisième Olympique, Pindare fait arriver Hercule à pied chez les Hyperboréens. (Voyez p. 116).

(252) La fable de Persée convient d'autant mieux ici qu'il était an des ancêtres d'Hercule, et qu'il s'agit de célébrer une famille d'Héraclides.

(253) Persée.

(254) Méduse : toujours sous la conduite de Minerve.

(255) De Sériphe.

(256)  Pindare se parle à lui-même; il est temps, à son avis, de traiter une autre partie de son sujet.

(257) Habitants d'Éphyra ou Cranon en Thessalie; ils formaient le chœur.

 


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