Pierre Baour-Lormian (1770-1854)
Recueil : Poésies d'Ossian (1827)

Hymne du soir


 

L'ombre à peine voile les cieux;
Des temps évanouis la splendeur éclipsée
Se retrace dans ma pensée,
Et m'inspire des chants dignes de mes aïeux.
Tout repose ou se tait... les harpes suspendues
Languissent détendues.
Dernier fils d'un héros que la gloire enflamma,
Mes pas silencieux se traînent dans selma;
Selma, palais des rois, asile des conquêtes,
Fingal n'invite plus l'étranger à tes fêtes;
Tes murs harmonieux, par la mousse couverts,
Ne retentissent plus du doux bruit des concerts.
Les braves ont vécu; Fingal même succombe;
Autour de moi tout dort du sommeil de la tombe...
Et je ne puis mourir ! Et ma plaintive voix
Dit aux siècles futurs nos antiques exploits !
Quand la reine des nuits ne brille point encore,
Quand sous l'obscurité la fleur se décolore,
Que les vapeurs du soir, comme un nuage épais,
Enveloppent les monts, les lacs et les forêts,
De mon génie éteint le flambeau se rallume;
Le besoin de chanter m'embrase et me consume.
La tendre Malvina, charme de mes vieux jours,
De son bras attentif me prête le secours;
Elle guide Ossian au pied du roc sauvage;
Il s'assied sous un chêne au mobile feuillage.
De mon destin alors s'adoucit la rigueur;
Une puissante voix vient réveiller mon coeur;
C'est la voix du passé... les siècles mémorables
Se pressent sous mes yeux, chargés de faits brillants;
Soudain je les recueille, et mes chants favorables
Éternisent le nom de mille chefs vaillants.
Non, du ruisseau fangeux ils ne sont point l'image,
Ces chants qui de Lutha rappellent les concerts;
Doux et mélodieux, ils enchantent les airs.
Ô terre de Lutha ! Que j'aime ton rivage,
Quand la veuve d'Oscar, sous ses doigts vagabonds,
Anime la harpe sonore !
Ses accords amoureux réjouissent les monts.
Aimable Malvina, toi que le barde implore,
Prête l'oreille à ses accents;
Fille charmante, accours; viens ranimer encore
Les feux de mon génie affaibli par les ans.

 

 


Pierre Baour-Lormian

 

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