Pétrarque (1304-1374)
Recueil : Les Triomphes sur la vie et la mort de Madame Laure
Traductions, commentaires et numérotations de Francisque Reynard (1883)

Argument général des Triomphes


 

L’intention du Poète, en composant ces triomphes, a été la même que celle qui lui a fait écrire le Canzoniere, c’est-à-dire de revenir de temps en temps par la pensée, soit au commencement, soit au cours, soit à la fin de sa passion amoureuse, et d’en prendre de fréquentes occasions pour payer un tribut d’éloges et d’hommages à l’unique et sublime objet de son amour. Pour arriver à ce but, il a imaginé de décrire l’homme dans ses différents états et de saisir ce prétexte naturel pour parler de soi-même et de sa chère Laure.

L’homme, dans son premier état de jeunesse, est vaincu par ses appétits qui peuvent tous se résumer sous le nom générique de l’amour.

Mais, devenu sérieux, voyant les inconvénients d’un tel état, il lutte avec l’aide de la raison et du bon sens contre ses appétits, et il en triomphe au moyen de la chasteté, se gardant bien de les satisfaire.

Au milieu de ses combats et de ses victoires survient la Mort qui, faisant égaux les vaincus et les vainqueurs, les fait tous disparaître de ce monde.

Mais pourtant, elle n’a pas assez de pouvoir pour effacer aussi la mémoire de l’homme qui, par des actions éclatantes et honorables, a cherché à survivre à sa propre mort. Et, en fait, cet homme vit, grâce à sa renommée, une longue suite de siècles.

Le temps, il est vrai, parvint à effacer jusqu’au souvenir de cet homme, qui en fin de compte ne peut être sûr de vivre éternellement qu’en jouissant au sein de Dieu et avec Dieu de l’éternelle béatitude.

Ainsi l’amour triomphe de l’homme ; la chasteté triomphe de l’amour; la mort triomphe de l’un et de l’autre ; la renommée triomphe de la mort ; le temps triomphe de la renommée, et l’éternité triomphe du temps.

 


Pétrarque

 

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