Pétrarque (1304-1374)
Recueil : Sonnets et Canzones - Pendant la vie de Madame Laure
Traductions, commentaires et numérotations de Francisque Reynard (1883)

Pendant la vie de Laure - Madrigal 1 à 4


 

(52/366) - Madrigal 1 : Rien qu’à la voir laver un voile, il a été tout ému.
(54/366) - Madrigal 2 : Il décrit un voyage d’amour qu’il avait entrepris. Les dangers l’ont arrêté et il est revenu sur ses pas.
(106/366) - Madrigal 3 : Il décrit allégoriquement les circonstances dans lesquelles il est devenu amoureux.
(121/366) - Madrigal 4 : Il pousse Amour à se venger de Laure qui, dans son orgueil, méprise son pouvoir.

 

Madrigal 1

Rien qu’à la voir laver un voile, il a été tout ému.


Non al suo amante piú Dïana piacque,
quando per tal ventura tutta ignuda
la vide in mezzo de le gelide acque,

ch'a me la pastorella alpestra et cruda
posta a bagnar un leggiadretto velo,
ch'a l'aura il vago et biondo capel chiuda,

tal che mi fece, or quand'egli arde 'l cielo,
tutto tremar d'un amoroso gielo.


Diane ne plut pas davantage à son amant quand, par semblable aventure, il la vit toute nue au milieu des eaux fraîches, qu’à moi la cruelle et sauvage pastourelle occupée à laver un joli petit voile qui protège contre l’air sa charmante et blonde chevelure. Cela fut si fort, que maintenant même où le ciel est brûlant, je tremble tout entier d’un amoureux frisson.


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Madrigal 2

Il décrit un voyage d’amour qu’il avait entrepris. Les dangers l’ont arrêté et il est revenu sur ses pas.


Perch'al viso d'Amor portava insegna,
mosse una pellegrina il mio cor vano,
ch'ogni altra mi parea d'onor men degna.

Et lei seguendo su per l'erbe verdi,
udí' dir alta voce di lontano:
Ahi, quanti passi per la selva perdi !

Allor mi strinsi a l'ombra d'un bel faggio,
tutto pensoso; et rimirando intorno,
vidi assai periglioso il mio vïaggio;
et tornai indietro quasi a mezzo 'l giorno.


Parce qu’elle portait sur son visage les insignes d’Amour, une voyageuse émut mon cœur léger, car toute autre me paraissait moins digne d’honneur.

En la suivant à travers les vertes prairies, j’entendis une voix claire dire de loin : ah ! que de pas tu perds dans la forêt !

Alors, je me retirai à l’ombre d’un beau hêtre, tout pensif ; et, regardant autour de moi, je vis combien mon voyage était périlleux, et je revins sur mes pas, à moitié du jour.


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Madrigal 3

Il décrit allégoriquement les circonstances dans lesquelles il est devenu amoureux.


Nova angeletta sovra l'ale accorta
scese dal cielo in su la fresca riva,
là 'nd'io passava sol per mio destino.

Poi che senza compagna et senza scorta
mi vide, un laccio che di seta ordiva
tese fra l'erba, ond'è verde il camino.

Allor fui preso; et non mi spiacque poi,
sí dolce lume uscia degli occhi suoi.


Un nouvel ange, sur ses ailes courtoises, descendit du ciel sur la fraîche rive où je passais seul, poussé par ma destinée.

Quand elle me vit sans compagnie et sans suite, elle tendit par les herbes qui verdissent le chemin, un lacet ourdi avec de la soie.

C’est alors que je fus pris, et cela ne me déplut point, si douce était la lumière qui sortait de ses yeux.


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Madrigal 4

Il pousse Amour à se venger de Laure qui, dans son orgueil, méprise son pouvoir.


Or vedi, Amor, che giovenetta donna
tuo regno sprezza, et del mio mal non cura,
et tra duo ta' nemici è sí secura.

Tu se' armato, et ella in treccie e 'n gonna
si siede, et scalza, in mezzo i fiori et l'erba,
ver' me spietata, e 'n contra te superba.

I' son pregion; ma se pietà anchor serba
l'arco tuo saldo, et qualchuna saetta,
fa di te et di me, signor, vendetta.


Or vois, Amour, cette toute jeune dame qui méprise ton empire et n’a souci de mon cœur, et qui entre deux adversaires comme nous est en sûreté.

Tu es armé, et elle les cheveux épars, en simple jupon et déchaussée, est assise sur l’herbe au milieu des fleurs, impitoyable pour moi, et pour toi pleine d’orgueil.

Je suis prisonnier ; mais si ton arc vigoureux a encore quelque pitié, et si tu possèdes encore quelque flèche, venge-nous toi et moi, ô mon maître.

 


Pétrarque

 

02 petrarque