Ô mes morts tristement nombreux Qui me faites un dôme ombreux De paix, de prière et d’exemple, Comme autrefois le Dieu vivant Daigna vouloir qu’un humble enfant Se sanctifiât dans le temple. Ô mes morts penchés sur mon cœur Pitoyables à sa langueur, Père, mère, âmes angéliques, Et toi qui fus mieux qu’une sœur, Et toi, jeune homme de douceur Pour qui ces vers mélancoliques, Et vous tous, la meilleure part De mon âme, dont le départ Flétrit mon heure la meilleure, Amis que votre heure faucha, Ô mes morts, voyez que déjà Il se fait temps qu’aussi je meure. Car plus rien sur terre qu’exil ! Et pourquoi Dieu retire-t-il Le pain lui-même de ma bouche, Sinon pour me rejoindre à vous Dans son sein redoutable et doux, Loin de ce monde âpre et farouche. Aplanissez-moi le chemin, Venez me prendre par la main, Soyez mes guides dans la gloire, Ou bien plutôt, — Seigneur vengeur ! — Priez pour un pauvre pécheur Indigne encor du Purgatoire.
|
Paul Verlaine
Verlaine - Amour (1888)Oeuvres de Verlaine |