Ô l’odieuse obscurité Du jour le plus gai de l’année Dans la monstrueuse cité Où se fit notre destinée ! Au lieu du bonheur attendu, Quel deuil profond, quelles ténèbres ! J’en étais comme un mort et tu Flottais en des pensers funèbres. La nuit croissait avec le jour Sur notre vitre et sur notre âme, Tel un pur, un sublime amour Qu’eût étreint la luxure infâme ; Et l’affreux brouillard refluait Jusqu’en la chambre où la bougie Semblait un reproche muet Pour quelque lendemain d’orgie. Un remords de péché mortel Serrait notre cœur solitaire... Puis notre désespoir fut tel Que nous oubliâmes la terre, Et que pensant au seul Jésus Né rien que pour nous ce jour même, Notre foi prenant le dessus Nous éclaira du jour suprême. — Bonne tristesse qu’aima Dieu ! Brume dont se voilait la Grâce, Crainte que l’éclat de son feu Ne fatiguât notre âme lasse. Délicates attentions D’une Providence attendrie !... Ô parfois encore soyons Ainsi tristes, âme chérie !
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Paul Verlaine
Verlaine - Amour (1888)Oeuvres de Verlaine |