Paul Verlaine (1844-1896) Recueil : Parallèlement (1889)
Les morts que l’on fait saigner
Les morts que l’on fait saigner dans leur tombe Se vengent toujours. Ils ont leur manière, et plaignez qui tombe
Sous leurs grands coups sourds. Mieux vaut n’avoir jamais connu la vie, Mieux vaut la mort lente d’autres suivie, Tant le temps est long, tant les coups sont lourds.
Les vivants qu’on fait pleurer
comme on saigne Se vengent parfois. Ceux-là qu’ils ont pris, qu’un chacun les plaigne,
Pris entre leurs doigts. Mieux vaut un ours et les jeux de sa patte, Mieux vaut cent fois le chanvre et sa cravate, Mieux vaut l’édredon d’Othello cent fois.
Ô toi, persécuteur, crains
le vampire Et crains l’étrangleur : Leur jour de colère apparaîtra pire
Que toute douleur. Tiens ton âme prête à ce jour ultime Qui surprendra l’assassin comme un crime Et fondra sur le vol comme un voleur.