Paul Verlaine (1844-1896)
Recueil : Sagesse (1880) -- Partie I

Les chères mains qui furent miennes ...



Les chères mains qui furent miennes,
Toutes petites, toutes belles,
Après ces méprises mortelles
Et toutes ces choses païennes,

Après les rades et les grèves,
Et les pays et les provinces,
Royales mieux qu'au temps des princes
Les chères mains m'ouvrent les rêves.

Mains en songe, mains sur mon âme,
Sais-je, moi, ce que vous daignâtes,
Parmi ces rumeurs scélérates,
Dire à cette âme qui se pâme ?

Ment-elle, ma vision chaste
D'affinité spirituelle,
De complicité maternelle,
D'affection étroite et vaste ?

Remords si cher, peine très bonne,
Rêves bénits, mains consacrées,
Ô ces mains, ses mains vénérées,
Faites le geste qui pardonne !

 


Paul Verlaine

 

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