Étienne de la Boétie (1530-1563)
Recueil : Vingt neuf sonnetz

N'ayez plus, mes amis, n'ayez plus ceste envie ...


 

N'ayez plus, mes amis, n'ayez plus ceste envie
Que je cesse d'aimer; laissés moi, obstiné,
Vivre et mourir ainsi, puisqu'il est ordonné:
Mon amour, c'est le fil auquel se tient ma vie.

Ainsi me dict la fee; ainsi en Aeagrie,
Elle feit Meleagre à l'amour destiné,
Et alluma la souche à l'heure qu'il fust né,
Et dict: «Toy et ce feu, tenez vous compagnie.»

Elle le dict ainsi, et la fin ordonnee
Suyvit apres le fil de ceste destinee.
La souche (ce dict on) au feu fut consommee.

Et des lors (grand miracle), en un mesme momant,
On veid, tout à un coup, du miserable amant
La vie et le tison s'en aller en fumee.


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N’ayez plus, mes amis, n’ayez plus cette envie
Que je cesse d’aimer ; laissez-moi, obstiné.
Vivre et mourir ainsi puisqu’il est ordonné ;
Mon amour, c’est le fil auquel se tient ma vie.
 
Ainsi me dit la Fée ; ainsi en Œagrie
Elle fit Méléagre à l’amour destiné.
Et alluma sa souche à l’heure qu’il fut né,
Et dit : « Toi, et ce feu, tenez-vous compagnie. »
 
Elle le dit ainsi, et la fin ordonnée
Suivit assez le fil de cette destinée.
La souche, ce dit-on, au feu fut consumée.
 
Et dès lors (grand miracle !) en un même moment
On vit, tout à un coup, du misérable amant
La vie et le tison s’en aller en fumée.

 

 


Étienne de la Boétie

 

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