Étienne de la Boétie (1530-1563)
Recueil : Vers françois - Sonnet

Helas ! combien de jours, helas ! combien de nuicts ...


 

Helas ! combien de jours, helas ! combien de nuicts
J'ay vescu loing du lieu, où mon cueur fait demeure !
C'est le vingtiesme jour que sans jour je demeure,
Mais en vingt jours j'ay eu tout un siecle d'ennuis.

Je n'en veux mal qu'à moy, malheureux que je suis,
Si je souspire en vain, si maintenant j'en pleure;
C'est que, mal advisé, je laissay, en mal'heure,
Celle la que laisser nulle part je ne puis.

J'ay honte que desja ma peau decoulouree
Se voit par mes ennuis de rides labouree:
J'ay honte que desja les douleurs inhumaines

Me blanchissent le poil sans le congé du temps.
Encor moindre je suis au compte de mes ans,
Et desja je suis vieux au compte de mes peines.


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Hélas ! combien de jours, hélas ! combien de nuits.
J’ai vécu près du lieu où mon cœur fait demeure !
C’est le vingtième jour que sans jour je demeure.
Mais en vingt jours j’ai eu tout un siècle d’ennuis.
 
Je n’en veux mal qu’à moi, malheureux que je suis,
Si je soupire en vain, si maintenant j’en pleure ;
C’est que mal avisé je laissai, en mal’ heure.
Celle-là que laisser nulle part je ne puis.
 
J’ai honte que déjà ma peau décolorée
Se voit par mes ennuis de rides labourée :
J’ai honte que déjà les douleurs inhumaines
 
Me blanchissent le poil sans le congé du temps.
Encor moindre je suis au compte de mes ans,
Et déjà je suis vieux au compte de mes peines.

 

 


Étienne de la Boétie

 

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