Étienne de la Boétie (1530-1563)
Recueil : Vingt neuf sonnetz

C'est Amour, c'est Amour, c'est luy seul, je le sens ...


 

C'est Amour, c'est Amour, c'est luy seul, je le sens:
Mais le plus vif amour, la poison la plus forte
A qui onq pauvre coeur ait ouverte la porte.
Ce cruel n'a pas mis un de ses traictz perçans,

Mais arcq, traits et carquois, et luy tout, dans mes sens.
Encor un mois n'a pas que ma franchise est morte,
Que ce venin mortel dans mes veines je porte,
Et desjà j'ay perdu et le coeur et le sens.

Et quoy ? si cet amour à mesure croissoit,
Qui en si grand tourment dedans moy se conçoit !
Ô croistz, si tu peuz croistre, et amande en croissant.

Tu te nourris de pleurs; des pleurs je te prometz,
Et, pour te refreschir, des souspirs pour jamais;
Mais que le plus grand mal soit au moings en naissant !


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C’est Amour, c’est Amour, c’est lui seul, je le sens :
Mais le plus vif amour, la poison la plus forte
À qui onc pauvre cœur ait ouverte la porte.
Ce cruel n’a pas mis un de ses traits perçants,
 
Mais arc, traits et carquois, et lui tout, dans mes sens.
Encor un mois n’a pas que ma franchise est morte,
Que ce venin mortel dans mes veines je porte,
Et déjà j’ai perdu et le cœur et le sens.
 
Et quoi ? si cet amour à mesure croissait,
Qui en si grand tourment dedans moi se conçoit !
Ô crois, si tu peux croître, et amende en croissant.
 
Tu te nourris de pleurs ; des pleurs je te promets,
Et, pour te refraîchir, des soupirs pour jamais ;
Mais que le plus grand mal soit au moins en naissant !

 

 


Étienne de la Boétie

 

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