Antoine de Bertin (1752-1790)
Recueil: Les Amours (1780) - Livre I

À Eucharis - Il fut un temps où ...


 

Il fut un temps où vos lettres fidèles
Adoucissaient mon exil amoureux :
Ce temps n’est plus. Un destin rigoureux,
Dix jours entiers, m’a déjà privé d’elles.
Épargnez-vous des détours superflus,
Pour abuser ma crédule tendresse.
Je le vois trop : je n’ai plus de maîtresse ;
Vous m’oubliez, et vous ne m’aimez plus.
Sans doute, hélas ! un autre a su vous plaire.
En m’arrachant l’objet de mes désirs,
L’ingrat jouit de ma triste colère ;
Mon désespoir augmente ses plaisirs.
 
Ô bains de Spa, source impure et funeste,
Puissent les vents et la flamme céleste
Vous engloutir sous vos marbres rompus !
Aux tendres cœurs vous causez trop d’alarmes.
Que d’amours vrais et de pudiques charmes,
Dans leur saison, vos eaux ont corrompus !
Sans vous, hélas ! ma colombe timide,
Mon Eucharis n’eût point trahi sa foi.
Elle a touché votre rive perfide :
Ah ! c’en est fait ; elle n’est plus à moi.

 

 


Antoine de Bertin

 

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