Charles Baudelaire (1821-1866) Recueil : Les Fleurs du Mal (1857) -- Spleen et Idéal (Suite)
Duellum
Deux guerriers ont couru l’un sur l’autre ; leurs armes Ont éclaboussé l’air de lueurs et de sang. Ces jeux, ces cliquetis du fer sont les vacarmes D’une jeunesse en proie à l’amour
vagissant.
Les glaives sont brisés ! comme notre jeunesse, Ma chère ! Mais les dents, les ongles acérés, Vengent bientôt l’épée et la dague traîtresse. —
Ô fureur des cœurs mûrs par l’amour ulcérés !
Dans le ravin hanté des chats-pards et des onces Nos héros, s’étreignant méchamment, ont roulé, Et leur peau fleurira l’aridité des ronces.
— Ce gouffre, c’est l’enfer, de nos amis peuplé ! Roulons-y sans remords, amazone inhumaine, Afin d’éterniser l’ardeur
de notre haine !