Mellin de Saint-Gelais (1491-1558)

Discours amoureux



Il n'est point vray que pour aymer on meure,
Car je serois ja mort et mis en terre,
Si grand douleur en moy fait sa demeure !
Il n'est point vray qu'un amant puisse acquerre
Bien ne repos pour peine qu'il endure,
Car je serois en paix et non en guerre.
Il n'est point vray que loyauté qui dure
Se puisse veoir jamais récompensée;
Puisqu'Elle m'est encore estrange et dure.
Il n'est point vray qu'en dict et en pensée
On doive plus d'amie avoir fiance;
Car la mienne a sa foy trop offensée.
Il n'est point vray qu'il soit en la puissance
De mon malheur et fortune ennemie
De m'eslongner de son obéissance;
Il n'est point vray que jamais autre amie
Puisse en mon cœur loger n'y trouver place:
Loyauté n'est en moy si endormie;
Mais il est vray que qui a veu sa face
Ne peut avoir que de mourir l'attente.
Bien-heureux est qui du mal se contente;
Mais plus heureux qui a sa bonne grâce !
Faict par celuy qui voudroit encor d'âge
Plus qu'un Nestor régner ou environ,
En ta santé avoir bon aviron  
Tant qu'Atropos tard tranche le cordage.

 


Mellin de Saint-Gelais

 

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