André Chénier (1762-1794)
Recueil: Bucoliques et Idylles

Diane


 

I

Ô vierge de la chasse, ô quel que soit ton nom,
Salut, reine des nuits, blanche soeur d'Apollon.
Salut, Trivie, Hécate, ou Cynthie, ou Lucine,
Lune, Phoebé, Diane, Artémis, ou Dictynne,
Qui gouvernes les bois, les îles, les étangs,
Et les ports, et les monts, et leurs noirs habitants.
Viens, soit que, retenant ton écharpe mobile,
Tu presses d'un taureau le flanc large et docile,
Soit qu'en longue tunique, une torche à la main,
D'un cerf aux cornes d'or tu diriges le frein.


II

Je verrai, descendu dans les bruyants vallons,
Diane et son cortège errer aux pieds des monts.
La dépouille des lynx est leur riche parure.
Leur sein jeune et brillant fuit hors de leur ceinture.
Les plis de leurs habits ne gênent point leurs pas
Et laissent découverts leurs genoux délicats.
Là s'arrêtent en foule auprès d'une fontaine
Anticlée et Procris, Aréthuse et Cyrène,
Vierges comme Diane et qui vont dans les bois
Sur les loups dévorants épuiser leurs carquois.
Je les verrai, Déesse, avec leurs doigts faciles,
Dételer de ton char tes cerfs aux flancs agiles,
Détacher le frein d'or trempé de leurs sueurs,
Caresser leur poitrine et les nourrir de fleurs.
Mais si le doux ruisseau roulant des ondes claires
Vous invite à quitter vos tuniques légères,
Déesse, je fuirai; car ton chaste courroux
Est terrible et mortel. Je fuirai loin de vous,
De peur qu'à te venger ta meute toute prête
Ne voie un bois rameux s'élever sur ma tête.


III

Tel lorsque, n'ayant plus de traits dans son carquois,
Diane se repose et dort au sein d'un bois,
Haletant sur ses pas, son jeune chien fidèle,
L'oeil sur elle attaché, vient s'asseoir auprès d'elle.
Muet, l'oreille droite, il attend son réveil;
Et si la chaste reine, au milieu du sommeil,
Laisse vers lui tomber une main nonchalante,
Il y va promener sa langue caressante.

 

 


André Chénier

 

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