Antoinette Des Houlières (1634-1694)

L’Oranger à Madame ***


 

La jeune Iris en me donnant à vous
M’a dit de vous conter pour elle,
Tous les matins, une douceur nouvelle.
Je lui promis, mais entre nous,
À d’aussi beaux yeux que les vôtres
S’amuse-t-on, Climène, à parler pour les autres ?
A-t-on besoin près d’eux du sentiment d’autrui ?
Ne fournissent-ils pas à quiconque en approche,
Des troubles, des transports qui causent de l’ennui.
Grâce à certain morceau de roche,
Dont la nature par malheur
Forma votre insensible cœur,
Ces yeux doux et brillants font naître dans une âme,
À ce que chacun dit, le désordre et la flamme ;
Eh ! comment ne feraient-ils pas
Chez messieurs les humains un dangereux fracas,
Puisqu’à travers de mon écorce,
Je sens le pouvoir et la force
De leurs adorables appâts ?
Ils font dans un moment ce que n’avait pu faire
L’ardeur du soleil en cinq mois,
Mille fleurs sur mon chef fleurissent à la fois
Par le seul désir de vous plaire ;
On dit que ce n’est pas une petite affaire,
Et qu’on a vu plus d’un berger,
Jeune, bien fait, galant et tendre,
Inutilement y songer.
Malgré cela, j’ose prétendre
À l’honneur de vous engager.
Fussiez-vous cent fois plus sévère,
Climène, on ne refuse guère
Les fleurettes d’un oranger.

 

 


Antoinette Des Houlières

 

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