Antoinette Des Houlières (1634-1694)

Ballade - Votre bonne foi m’épouvante ...


 

Votre bonne foi m’épouvante ;
Vous croyez trop légèrement.
Si l’on aimait fidèlement,
Serais-je encor indifférente ?
Être la dupe des douceurs
D’une troupe vaine et galante,
Est le destin des jeunes cœurs.
De cette conduite imprudente
Il n’est cœur qui ne se repente :
Tous les hommes sont des trompeurs.
 
Jeune, belle, douce, brillante,
Le cœur tendre, l’esprit charmant,
Des malheurs de l’engagement
Ne prétendez pas d’être exempte.
Affectons-nous quelques rigueurs ?
On se rebute dans l’attente
Des plus précieuses faveurs.
La tendresse est-elle contente ?
On entend dire à chaque amante :
Tous les hommes sont des trompeurs.
 
Vous croyez que la crainte invente
Les dangers qu’on court en aimant ;
S’il plaît à l’Amour, quelque amant
Un jour vous rendra plus savante.
Vers les dangereuses langueurs
Vous avez une douce pente ;
Tous soupirez pour des malheurs
Dont vous paraissez ignorante.
Vous mériteriez qu’on vous chante :
Tous les hommes sont des trompeurs.
 

Envoi
 
Si pour vous épargner des pleurs
Ma raison n’est pas suffisante,
Regardez ce que représente
Le serpent caché sous les fleurs.
Il vous dit : Tremblez, Amarante ;
Tous les hommes sont des trompeurs.

 

 


Antoinette Des Houlières

 

03antoinette des houlieres