(Pour dire au luth en chant italien) Hélas ! mon Dieu, y a-il en ce mondeMal ou ennuy dont on ayt congoissance, Qui soit égal à ma douleur profonde ? Hélas ! mon Dieu, si j'avois la puissance De déclairer la peine que je porte, Ce me seroit une grande allégeance. Hélas, mon Dieu, pitié estes vous morte ? Qui vous défend que mort ne me contente Puis qu'autre espoir je n'ay qui me conforte ? Hélas, mon Dieu, le temps de mon attente Se va passant comme songe et fumée, Et. ma douleur est seule permanente. Hélas, mon Dieu, amie trop aimée, Voyez vous point à mon deuil importable Vostre grand tort et foy peu estimée ? Hélas, mon Dieu, s'amitié perdurable D'ingrat oubli est mal récompensée; J'en ay la peine et autre en est coulpable. Hélas, mon Dieu, qui savez ma pensée, Soyez content que d'elle je m'estrange, Mettant à fin l'œuvre mal commencée. Hélas, mon Dieu, si mon cœur ne la change, Faites aumoins que mon œil mieux se garde De la chercher, et que plus ne s'y range. Hélas, mon Dieu, si ma mort tant luy tarde, Ordonnez luy qu'après ma sépulture Tard repentie, elle entende et regarde Que plus ma foy que sa cruauté dure.
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Mellin de Saint-Gelais
Poèmes de Mellin de Saint-Gelais |