Christine de Pisan (1364-1430)
Recueil : Autres Ballades

Autres Ballades

Autres Ballades

 

I.  Car qui est bon doit estre appellé riche.
         (Éloge de Charles d'Albret.)
II.  Si com tous vaillans doivent estre.
         (A Charles d'Albret.)
III.  Et Dieux vous doint leur bon droit soustenir.
IV.   Et honneur en toutes querelles.
V.    Avisons nous qu'il nous convient morir
VI.  Ne les princes ne les daignent entendre.
VII. Car de Juno n'ay je nul reconfort.
VIII.  Il veult trestout quanque je vueil.
IX.  Amours le veult et la saison le doit.
X.  Amours le veult et la saison le doit.
XI.  Assez louer, ma redoubtée dame.
XII.  Si qu'a tousjours en soit memoire.
XIII.  Vous semble il que ce fausseté soit ?
XIV.  Juno me het et meseür me nuit.
XV.  Se Dieu et vous ne la prenez en cure.
XVI. Ce premier jour que l'an se renouvelle.
        (A Charles d'Albret, connétable de France.)
XVII.  N'on n'en pourroit assez mesdire.
XVIII. Ce jour de l'an, ma redoubtée dame.
         (A la reine Isabelle de Bavière)
XIX.  Ce jour de l'an vous soiez estrené.
         (A Louis de France, duc d'Orléans)  
XX.  Ce plaisant jour premier de l'an nouvel.
XXI.  Si le vueilliez recepvoir pour estreine.
XXII. Si le vueilliez, noble duc, recevoir.
         (Christine recommande son fils aîné au duc d'Orléans)
XXIII. Faittes voz faiz a voz ditz accorder.
XXIV.  Le corps s'en va, mais le cuer vous demeure.
XXV.   Chapiaulx jolis, violetes et roses, Fleur de printemps,
         muguet et fleur d'amours.
XXVI.  Et certes le doulz m'aime bien.
XXVII.  Et ce vous fait tout le monde plaire.
XXVIII. En ce jolis plaisant doulz moys de May.
XXIX.   De hault honneur et de chevalerie.
XXX.   Sera retrait de leur haulte vaillance
XXXI.  On vous doit bien de lorier couronner.
XXXII. A pou que mon cuer ne font !
XXXIII. D'entreprendre armes et peine
XXXIV.  Apercevoir Vueillez le voir.
XXXV.  Vostre doulceur me meine dure guerre.
XXXVI. Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.
              (A la reine Isabelle de Bavière)
RONDEL. Mon chier seigneur, soiez de ma partie
XXXVII.  On est souvent batu pour dire voir
XXXVIII. Selon seigneur voit on maignée duite
(Sur la Cour du duc Philippe de Bourgogne)
XXXIX.  Car je vous ay retenue a ma vie
XL.   Je mourray se m'estes dure
XLI.  Qu'en France soit si mençonge eslevée
XLII.    Sur la mort du duc de Bourgogne (27 avril)
         Affaire eussions du bon duc de Bourgongne  
XLIII. Et ne croyez flajolz de decepveurs
XLIV.  Ne mon penser nulle heure ne s'en part
XLV.   Mon doulx amy, d'autre ne me vient joye
XLVI.  Je m'en mettré a mon aise
XLVII.  Et me vueillez ottroyer vostre amour
XLVIII. Je le sçay bien, il fault que je m'en sente
XLIX.  Je dis que c'est pechié a qui le fait
L.    S'ainsi le faiz, tu seras preux et saige
LI.   Et ait ou mal fort et poissant couraige
LII.  Ce jour de May gracieux plain de joye
LIII. Quant bien me doit venir, meseur l'en chace.

 

 

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I

Assez acquiert tresor et seigneurie,
Trés noble avoir et grant richece amasse,
Qui par bonté, qui nul temps n'est perie,
Acquiert honneur, bon renom, loz et grace.
Car ou monde n'est chose qui ne passe
Fors que bienfait, tout ne vault une miche
Autre tresor ne chose que l'en brace;
Car qui est bon doit estre appellé riche.

Et bonté faitte est haultement merie,
Car Dieu le rend, et qui le bien porchace
Acquiert honnour, soit en chevalerie
Ou aultre estat, qui des bons suit la trace.
Loz doit avoir sur tous en toute place
Qui es vertus du tout son cuer affiche;
Tel tresor a que fortune n'efface;
Car qui est bon doit estre appellé riche.

Ne l'en ne doit une pomme pourrie
Riche mauvais prisier, quoy qu'il embrace,
Ne lui louer; car c'est grant desverie
De loz donner a mauvais, quoy qu'il face;
Mais au vaillant, qui a tout honneur chace,
Apartient loz, s'il n'est aver ne chiche,
Des biens qu'il a soit large en deue place;
Car qui est bon doit estre appellé riche.

Princes vaillans et de gentil attrace,
Ne souffrez pas vaillantise estre en friche;
Poursuivez la, ne vous chaut d'or en masse;
Car qui est bon doit estre appellé riche.

 

 


II

[Eloge de Charles d'Albret.]

Or est Brutus ressuscité,
De qui Bretaigne fu nommée,
Et qui de Romme la cité
Fu consule, et qui mainte armée
Fist en son temps, et tant fu sage,
Preux, vaillant et plein de bernage,
Qu'a tousjours renom en remaint,
Et tant fu après sa mort plaint;
Charitable le fist Dieux naistre
Si com tous vaillans doivent estre.

De cil Brutus est recité
Maint hault bien par grant renommée;
Les dames en adversité
Confortoit, ne par lui blasmée
Ne feust de fait ne de langage  
Femme; ainçois qui feist oultrage
Aux dames, par lui fust estaint
Le meffait et le bien attaint;
Leur champion fut en tout estre,
Si com tous vaillans doivent estre.

Or l'ensieult par grant charité
Charles d'Alebret, qui amée
A la voie de verité,
Dont ja partout est voix semmée
De lui et de son vacelage,  
Pour dames garder de dommage;
Se de tort nulle se complaint,
Veult estre, sanz avoir cuer faint,
Leur deffension et main destre,
Si com tous vaillans doivent estre.

Au bon Brutus de hault parage
Retrait Charles, car d'un lignage
Descendirent, ce scevent maint,
C'est des Troyens qui furent craint;
Pour ce ensuivant est son ancestre
Si com tous vaillans doivent estre.

 

 


III

(A Charles d'Albret.)

Bon chevalier, ou tous biens sont compris,
Noble, vaillant et de royal lignage,
Qui par valeur avez armes empris,
Dont vous portez la dame en verde targe  
Pour demonstrer que de hardi visage
Vous vous voulez pour les dames tenir
Contre ceulz qui leur porteront dommage,
Et Dieux vous doint leur bon droit soustenir !

Dieux et pitié vous ont tout ce apris
Et la valeur de vo noble courage,
Et certes moult en croistra vostre pris,
Et paradis arez a heritage.   
Car aux dames pluseurs font maint oultrage,
C'est aumosne de leur droit maintenir;
Si le ferez comme vaillant et sage,
Et Dieux vous doint leur bon droit soustenir !

Or ay espoir que ceulx qui ont mespris
Vers les dames de fait et de langage
Si se rendront comme las et despris;
D'or en avant n'aront pas l'avantage,  
Confus seront par vostre vacellage.
A tel baron doit bien apartenir
Que des dames soit amé par usage,
Et Dieux vous doint leur bon droit soustenir !

Mon redoubté seigneur, soubz vostre hommage,
Je vous suppli, me vueilliez retenir,
Car les vesves garderez de servage,
Et Dieux vous doint leur bon droit soustenir !

 

 


IV

A vous les chevaliers aux dames,
Humble recommendacion
De par moy la mendre des femmes,
Priant Dieu que l'affection,   
Qu'avez en bonne entencion
De vouloir garder le droit d'elles,
Vous doint mettre a perfection
Et honneur en toutes querelles.  

Car le sauvement de voz ames
Ferez, et sera mencion
A tousjours de voz belles armes;
De revenchier l'extorcion   
Et d'estre la deffension
De femmes vesves et pucelles;
Si en arez salvacion
Et honneur en toutes querelles.  

Or vient le temps que, les diffames
Et la grant murmuracion
Que maint dient d'elles, et blasmes,
Sanz avoir nulle occasion,   
Yert par vous a destruction.
Si prieront les damoiselles
Que Dieux vous doint remission
Et honneur en toutes querelles.  

Priez Dieu par devocion
Pour les bons, toutes jovencelles,
Qui ont noble condicion
Et honneur en toutes querelles.

 

 


V

Les biens mondains et tous leurs accessoires
Chascun voit bien qu'ilz sont vains et fallibles,
Si sommes folz quant pour les transitoires
Choses, laissons les joyes infallibles  
Que Dieux donne aux innocens paisibles
Qui n'ont nul soing de tresor acquerir;
Mais pour prisier pou choses corruptibles
Avisons nous qu'il nous convient morir.  

Qu'est il des grans, dont on lit es hystoires,
Qui porterent les fais griefz et penibles
Pour avoir loz, grans honneurs et vittoires ?
Ne sont ilz mors et a noz yeulx visibles ?  
Ne veons nous, soient choses sensibles
Ou non, faillir toute riens ? fault porrir;
Si n'ayons foy en choses impossibles,
Avisons nous qu'il nous convient morir.  

Et pour les biens qui ne valent deux poires
Pour nous sauver, ains souvent sont nuisibles,
Ne perdons Dieu, disans choses non voires,
Pour accomplir pechiez laiz et orribles  
Et pour deliz vains, laiz et non loisibles;
Car Dieu scet tout: on ne lui puet couvrir;
Pour eschiver ses vengences terribles
Avisons nous qu'il nous convient morir.  

Princes et clers d'entendemens sensibles,
Ne vueillons pas par noz meffais perir,
A nous sauver soions tous entendibles,
Avisons nous qu'il nous convient morir.

 

 


VI

Helas ! ou donc trouveront reconfort
Pouvres vesves, de leurs biens despoillées,
Puis qu'en France qui sieult estre le port
De leur salut, et ou les exillées  
Seulent fouïr et les desconseillées,
 Mais or n'i ont plus amistié ?
Les nobles gens n'en ont nulle pitié,
Aussi n'ont clers li greigneur ne li mendré,
Ne les princes ne les daignent entendre.

Des chevaliers n'ont elles nesun port,
Par les prelaz ne sont bien conseillées,
Ne les juges ne les gardent de tort,
Des officiers n'aroient deux maillées  
De bon respons; des poissans traveillées
 Sont en maint cas, n'a la moitié
Devers les grans n'aroient exploitié
Jamais nul jour, alleurs ont a entendre,
Ne les princes ne les daignent entendre.

Ou pourront mais fuïr, puis que ressort
N'ont en France, la ou leur sont baillées
Esperences vaines, conseil de mort,
Voies d'Enfer leur sont appareillées,  
S'elles veulent croire voies broullées
 Et faulz consaulx, ou apointié
N'est de leur fait, nul n'ont si acointié
Qui leur aide sanz a aucun mal tendre,
Ne les princes ne les daignent entendre.

Bons et vaillans, or soient esveilliées
Voz grans bontez, ou vesves sont taillées
 D'avoir mains maulz de cuer haitié;  
Secourez les et croiez mon dittié,
Car nul ne voy qui vers elles soit tendre,
Ne les princes ne les daignent entendre.

 

 


VII

Se de Pallas me peüsse accointier
Joye et tout bien ne me fauldroit jamais;
Car par elle je seroie ou sentier
De reconfort, et de porter le fais
Que Fortune a pour moy trop chargier fais;  
 Mais foible suis pour soustenir
Si grant faissel, s'elle ne vient tenir
De l'autre part, par son poissant effort
Pour moy aidier, Dieu m'i doint avenir,
Car de Juno n'ay je nul reconfort.   

Pallas, Juno, Venus vouldrent plaidier
Devant Paris jadis de leurs tors fais,
Dont chascune disoit qu'a son cuidier
Plus belle estoit, et plus estoit parfais
Ses grans pouoirs que de l'autre en tous fais;
 Sus Paris s'en vouldrent tenir,
Qui lors jugia que l'en devoit tenir
A plus belle Venus et a plus fort,
Si dist: «Dame, vous vueil je detenir,
Car de Juno n'ay je nul reconfort.»  

Pour la pomme d'or lui vint puis aidier
Vers Heleine Venus, mors et deffais
En fu après; si n'ay d'elle mestier,
Mais de joye seroit mon cuer reffais,
Se la vaillant Pallas, par qui meffais  
 Sont delaissié et retenir
Fait tous les biens, me daignoit retenir
Pour sa serve: plus ne devroie au fort
Ja desirer pour a grant bien venir,
Car de Juno n'ay je nul reconfort.   

Ces trois poissans deesses maintenir
Font le monde, non obstant leur descort;
Mais de Pallas me doint Dieux sovenir,
Car de Juno n'ay je nul reconfort.  

 

 


VIII

Dieux ! on se plaint trop durement
De ces marys, trop oy mesdire
D'eux, et qu'ilz sont communement
Jaloux, rechignez et pleins d'yre.
Mais ce ne puis je mie dire,
Car j'ay mary tout a mon vueil,
Bel et bon, et, sanz moy desdire,
Il veult trestout quanque je vueil.

Il ne veult fors esbatement
Et me tance quant je souspire,
Et bien lui plaist, s'il ne me ment,
Qu'ami aye pour moy deduire,  
S'aultre que lui je vueil eslire;
De riens que je face il n'a dueil,
Tout lui plaist, sanz moy contredire,
Il veult trestout quanque je vueil.

Si doy bien vivre liement;
Car tel mary me doit souffire
Qui en tout mon gouvernement
Nulle riens ne treuve a redire,  
Et quant vers mon ami me tire
Et je lui monstre bel accueil,
Mon mary s'en rit, le doulz sire,
Il veult trestout quanque je vueil.

Dieu le me sauve, s'il n'empire,
Ce mary: il n'a nul pareil,
Car chanter, dancier vueil' ou rire,
Il veult trestout quanque je vueil.

 

 


IX

Or sus, or sus, pensez de bien amer,
Vrais amoureux, et joye maintenir
Ce moys de may, et vuidiez tout amer
De voz doulz cuers, ne lui vueilliez tenir,
Soiez joyeux et liez sanz retenir
Nul fel penser, car resjouïr se doit
Tout vray amant par plaisant souvenir;
Amours le veult et la saison le doit.  

Or y parra qui sçara reclamer
Amours a droit pour a grant bien venir,
Faire beaulz ditz, soy pour amours armer,
Et ces beaulz cops a jouste soustenir,  
Et le bon vueil sa dame retenir,
Tost obeïr, s'elle lui commandoit.
C'est le devoir, qui bon veult devenir;
Amours le veult et la saison le doit.  

Si vous vueilliez es doulz biens affermer
Qui a tous bons doivent apertenir,
Rire, jouer, chanter, nul ne blasmer,
Et tristece toute de vous banir,  
Vestir de vert pour joye parfurnir,
A feste aler se dame le mandoit,
Vous tenir liez quoy qu'il doie avenir;
Amours le veult et la saison le doit.  
Vrais fins amans, pour a joie avenir
Soiez jolis, car esperer on doit
En ce doulz temps a tout bien parvenir;
Amours le veult et la saison le doit.

 

 


X

Trés humblement, dames et damoiselles,
Me recommand a vostre gentillece,
Et de par moy sachiez, bonnes et belles,
Qu'Amours a fait crier de sa richece  
Ce jour de May joye, et a grant largece
Roses et flours qu'yvers chieres vendoit,
Et que voz cuers vous teniez sanz tristece,
Amours le veult et la saison le doit.  

Et doulz Deduit anonce ces nouvelles,
Et qu'il n'y ait nulle si grant maistresse
Qui a l'amant reffuse ses querelles,
Voire en honneur et en toute noblece,  
Sanz que renom ne loiaulté on blece,
Car tort aroit se plus en demandoit;
Mais qu'ottroiez bel accueil en simplece,
Amours le veult et la saison le doit.  

Et si commande aux jeunetes pucelles
Chapiaulx de flours dessus la blonde trece,
Jouer, dancer en prez sus fontenelles
Simpletement, de maintien en humblece;  
Rire, chanter, fuïr dueil et destrece;
Car jeune cuer, se leece perdoit,
Il seroit mort, si l'aiez sanz parece,
Amours le veult et la saison le doit.  

Belles plaisans dames de grant hautece,
Je vi Deduit qui grant oudeur rendoit
Et haultement crioit: «Aiez leesce !
Amours le veult et la saison le doit.»

 

 


XI

Haulte, poissant, trés louée Princece,
Bonne et belle, vaillant de tous nommée,
Pleine de sens, d'onneur et de noblece,
Et en maint lieux redoubtée et amée,  
Par le monde trés excellant clamée,
Et parfaitte toute de corps et d'ame,
On ne pourroit vostre grant renommée
Assez louer, ma redoubtée dame.   

Acomparer a Pallas la deesse,
Et a Juno qui tant est reclamée,
Certes vous puis, pour vostre grant sagece;
Et pour la trés riche honneur affermée  
Ou vous estes, ne jamais extimée
Vostre valeur ne pourroit estre de ame
N'escripture, fust en prose ou rimée,
Assez louer, ma redoubtée dame.   

Semiramis ressemblez de largece
Qui fu si preux et tant est reclamée,
Et de purté la trés belle Lucrece,
La rommaine de grant constance armée,  
De loyaulté Hester la non blasmée.
En touz estaz, plus que nulle autre femme,
On ne vous puet, tant estes bien formée,
Assez louer, ma redoubtée dame.   

Trés excellent en grace confermée,
De vous partout cuert si trés noble fame
Qu'on ne vous puet, c'est bien chose informée,
Assez louer, ma redoubtée dame.

 

 


XII

Priez, dames et damoiselles,
Pour les bons chevaliers vaillans
Qui, pour soustenir voz querelles,
Mettent leurs corps et leurs vaillans:
Que ja Dieu ne leur soit faillans,
Ains leur doint honneur et victoire
Encontre tous leur assaillans,
Si qu'a tousjours en soit memoire.  

Qui l'escu vert aux dames belles
Portent sanz estre deffaillans,
Pour demonstrer que l'onneur d'elles
Veulent, aux espées taillans,  
Garder contre leur mauvueillans.
Si devez prier Dieu de gloire
Que priz et loz soient cueillans,
Si qu'a tousjours en soit memoire.  

Du bon Torsay bonnes nouvelles
Avons, com preux et traveillans
Les armes Obissecourt, celles
Facent joye a ses bienvueillans;  
Castelbayart qui est veillans
A poursuivre armes, chose est voire,
A honneur en soit hors saillans,
Si qu'a tousjours en soit memoire.  

Or priez Dieu a yeulx moillans,
Qu'on die d'eulx si bonne hystoire,
Que chascun en soit merveillans,
Si qu'a tousjours en soit memoire.

 

 

 

XIII

Gentilz amans, faittes ce jugement,
Et, je vous pry, jugiez selon le voir:
Une dame retient entierement
Un pour ami, cuidant en lui avoir
Loial amant qui face son devoir   
D'elle servir, ainsi qu'il apertient;
Ce lui promet quant elle le retient,
Mais tost après le contraire aperçoit.
S'un aultre aime, qui d'elle près se tient,
Vous semble il que ce fausseté soit ?   

Quant le premier la voit negligemment,
Et si la puet assez souvent veoir,
Et par pluseurs foiz moult piteusement
Celle lui dist que moult a le cuer noir,
Dont elle voit lui en si pou chaloir;  
Mais riens n'y vault, trop pou de compte en tient
Et fierement vers elle se maintient,
Dont s'un autre qui mieulx l'aime reçoipt
Quant elle voit qu'a cil si pou en tient,
Vous semble il que ce fausseté soit ?   

Et encor pis, car il dit plainement
Present elle, qu'il n'est pour nul avoir
Que il voulsist en femme nullement
Mettre son cuer pour peine en recepvoir,
Selon le dit peut le fait apparoir   
Qu'il ne l'aime, ne lui en souvient,
Et un autre vers elle se contient
Si loiaument, quelque l'escondit soit,
Qu'elle voit bien qu'il l'aime, si s'i tient,
Vous semble il que ce fausseté soit ?   

Amans, jugiez, quant un tel cas avient,
Se avoir doit congié, se il revient,
L'amant premier qui la dame deçoipt,
Se par faulte de luy aultre y avient,
Vous semble il que ce fausseté soit ?

 

 


XIV

Viegne Pallas, la deesse honnourable,
Moy conforter en ma dure destresce,
Ou mon anui et peine intollerable
Mettront a fin ma vie en grant asprece.  
 Car Fortune me cuert sure
Qui tout mon bien destruit, rompt et deveure,
Et pou d'espoir me destraint jour et nuit;
Juno me het et meseür me nuit.   

Ne je ne truis nul confort secourable
A mon meschief, ainçois quant je me drece
Vers quelque part ou voye reparable
Deusse trouver, tout le rebours m'adrece,
 Et en vain peine et labeure;
Car Fortune despece tout en l'eure
Quanque j'ay fait, ou me plaise ou m'anuit;
Juno me het et meseür me nuit.   

Et pour ce pri la haulte venerable
Fille de Dieu, Pallas qui tous radrece
Les desvoiez, qu'elle soit apparable
En mes pensers, comme vraie maistrece  
 Me dottrine et me secueure;
Diane soit avec elle a toute heure,
Car de long temps me commence, yer n'anuit
Juno me het et meseür me nuit.   

 Princes, ains que mort m'acueure,
Priez Pallas que pour mon bien accueure;
Car en tous cas, ou que j'aye reduit,
Juno me het et meseür me nuit.

 

 


XV

Mon cher Seigneur, vueilliez avoir pitié
Du povre estat de vostre bonne amie,
Qui ne treuve nulle part amistié.
Pour Dieu mercy, si ne l'oubliez mie,
 Et souvenir
Il vous vueille de son fait, ou venir
Lui convendra a pouvreté obscure,
Se Dieu et vous ne la prenez en cure.

Ne peut avoir, tant ait nul acointié,
Son las d'argent: charité endormie
Treuve en chascun, dont tout ne la moitié
N'en puet avoir, Fortune est s'anemie
 Qui survenir
Lui fait maint mal, si ne puet soustenir
Son povre estat ou elle met grant cure
Se Dieu et vous ne la prenez en cure.

Si vous plaise que par vous esploistié
Soit de son fait, car ja plus que demie
Est cheoite au bas, dont a cuer dehaitié
Souventes fois et de soussi blesmie,  
 Dont si tenir
A memoire vueilliez et retenir
Son fait qu'a chief en soit ou trop endure
Se Dieu et vous ne la prenez en cure.

 Tost avenir
Puisse par vous et son fait parfurnir,
Mon chier Seigneur, car trop a peine dure
Se Dieu et vous ne la prenez en cure.

 

 


XVI

(A Charles d'Albret, connétable de France.)

Noble vaillant, chevalier de grant pris,
Mon cher seigneur, de France connestable,
En qui prouesse et tous biens sont compris,
De Dieu amé et au monde agreable,   
Loyal en foy, baron trés honnorable,
Je pri a Dieu et a la Vierge belle
Qu'il vous octroit joye et bien permanable
Ce premier jour que l'an se renouvelle.  

Par bon renom qui queurt en tout pourpris
De vous, seigneur, de constance inmuable
Le mien cuer est de grant desir espris
De faire a vous plaisir, se si solvable  
Estoie que de vous feust acceptable,
Mon chier seigneur, comme de vostre ancelle,
Si l'ait a gré vo bon cuer charitable
Ce premier jour que l'an se renouvelle.  

Humble seigneur, si n'aiez en despris
Mon bon vouloir, tout soit il pou valable
Et pardonner me vueilliez se mespris
D'escrire a vous, personne si notable,  
Je ay, moy femme ignorant non savable,
Mais voulentiers je diroye nouvelle
Qui resjouïst vo bon cuer amiable
Ce premier jour que l'an se renouvelle.  

Mon cher Seigneur puissant et redoutable,
Prenez en gré ma balade nouvelle,
Que Dieux vous doint tout soulaz delitable
Ce premier jour que l'an se renouvelle.

 

 


XVII

Jadis Circes l'enchanteresse
Fist chevaliers devenir porcs;
Mais Ulixes par sa sagece
De ce meschief les gitta hors.  
Mais je ne sçay se c'est droit sors
D'aucunes gens, dont j'ay grant yre,
Qui sont plus que pors vilz et ors,
N'on n'en pourroit assez mesdire.

Grans vanteurs sont et sanz proece,
Mais trés bien parez par dehors,
Orgueilleux pour leur gentillece,
Et tiennent bien aise leurs corps;
Mais en eulx a maint mal remors,
Et combien qu'on ne l'ose dire
A bien faire n'ont pas amors,
N'on n'en pourroit assez mesdire.

Il n'est nulle si grant maistrece,
Ne femme autre, soit droit ou tors,
Que leur fausse lengue ne blece
Leur bon renom; aise sont lors  
Quant ilz en font mauvais rapors,
Qui s'i vouldra mirer s'y mire,
Mais mieulx que vifs vaulsissent mors,
N'on n'en pourroit assez mesdire.

Je ne mesdi de nullui, fors
D'aucuns qui sont de Judas pire
Et sont de tous mauvais accors,
N'on n'en pourroit assez mesdire.

 

 


XVIII

(A la reine Isabelle de Bavière.)

Haulte, excellent Roÿne couronnée
De France, trés redoubtée princece,
Dame poissant et de bonne heure née,
A qui honneur et vaillance s'adrece,  
Des princeces souveraine maistresse,
Je pri cil Dieu, qui ne fault a nulle ame,
Qu'il vous envoit de toute joye adrece,
Ce jour de l'an, ma redoubtée dame.  

Boneur, bon temps, trés agreable année,
Vray reconfort de ce que plus vous blece,
Plaisir, soulas, vous doint ceste journée
Et les autres plus en plus vous eslece,  
Toudis accroisse et garde vo haultece,
Vostre valeur et vo trés noble faame,
Et vous envoit joye qui ja ne cesse,
Ce jour de l'an, ma redoubtée dame.  

Mais je suppli, haulte bien ordennée,
Ma excellent redoubtée, ou humblece
Fait son manoir, que mercy soit donnée
A moy se je mesprens par ma simplece  
D'escripre a vous, ou tant a de noblece;
Digne n'en suis, si n'en aye nul blasme,
Car grant desir de vous servir m'i drece,
Ce jour de l'an, ma redoubtée dame.  

Ma balade pregne en gré vo sagece,
Si suis vostre creature par m'ame
Qui volentiers vous donroie leece,
Ce jour de l'an, ma redoubtée dame.

 

 


XIX

(A Louis de France, duc d'Orléans.)

De tous honneurs et de toutes querelles,
De tout boneur et de bonne aventure,
De tous plaisirs, de toutes choses belles,
Et de cellui qui creé a nature,   
De quanque ou ciel et en terre a mesure,
Et de tout ce plus propre a homme né,
Mon redoubté seigneur plein de droiture,
Ce jour de l'an vous soiez estrené.  

Trés noble duc d'Orliens, de nouvelles
A vo souhaid et d'amour vraie et pure,
De ris, de jeux et de notes nouvelles
Resjouÿssanz, d'union sanz murmure  
Et de tout ce de quoy tous bons ont cure,
De tout le bien qu'en corps bien ordenné
Il doit avoir, de pais qui tousjours dure
Ce jour de l'an vous soiez estrené.  

De tous nobles, de dames, de pucelles
Et de chascun par communal jointure
Amé soiez, et de ceulz et de celles
Qu'oient parler, de bouche ou escripture,
De vous, prince de roiale faitture,
De leur salut loiaulz en tout regné
Et de leur loz sanz fausse couverture
Ce jour de l'an vous soiez estrené.  

Prince excellent ou il n'a desmesure,
De ce livret qu'ay fait mal ordené,
De par moy, vo trés humble creature,
Ce jour de l'an vous soiez estrené.

 

 


XX

(A Marie de Berry, comtesse de Montpensier.)

Bon jour, bon an, bon mois, bonne novelle,
Ce premier jour de la present année
Vous envoit Dieux, ma chiere damoiselle
De Monpensier, si soiés estrenée  
 De toute joye.
A vo souhaid Dieux pri qu'il vous envoie
Tous voz plaisirs, tout gracieux revel,
Quanque vouldriez vous consente et ottroie
Ce plaisant jour premier de l'an nouvel.

Et ma trés chiere et redoubtée, et celle
Que je desir autant com dame née
Servir, louer, et que chascun appelle
De grant bonté et beaulté affinée,  
 En plaisant joye
Vo noble cuer Dieux permaine et convoie
Ou jolis temps dont vient le renouvel,
Et a present a tout bien vous avoie
Ce plaisant jour premier de l'an nouvel.

Noble, plaisant, trés gracieuse et belle,
Bonne, vaillant, sage, bien aournée,
Prenez en gré ma balade nouvelle
Que j'ay faitte pour vous ceste journée,
 Car ou que soie
Vostre je suis et obeïr vouldroie,
Amer, cherir vo gracieux corps bel.
Si vous doint Dieux quanque pour moy voldroie
Ce plaisant jour premier de l'an nouvel.

Du petit don, pour Dieu, ne vous anoie,
Car bon vouloir mieulx que fermail n'anel
Vault moult souvent; voulentiers plus feroie
Ce plaisant jour premier de l'an nouvel.

 

 


XXI

(Christine fait hommage à Charles d'Albret de son poème «Du Débat de
deux Amans.»)

Bon jour, bon an et quanqu'il puet souffire
De bien, d'onneur et de parfaitte joye,
Mon redoubté seigneur, d'Alebret sire,
Charles poissant, pri Dieu qu'il vous envoie
Ce jour de l'an qui maint bon cuer resjoie,  
 Et vous presente
Cestui livret, que j'ay fait par entente,
Ou est escript et la joye et la peine
Qu'ont ceulz qu'Amours met d'amer en la sente,
Si le vueilliez recepvoir pour estreine.  

Et s'il vous plaist a l'ouïr ou le lire,
De deux Amans orrez qu'Amours maistroie
Si a entr'eulx debat; car l'un veult dire
Qu'Amours griefve trop plus qu'elle n'esjoie,
L'autre dit non et que plus bien envoie,  
 E a l'atente
De jugement, lequel a mieudre entente
Se soubzmettent et a sentence pleine;
Cest nouvel cas a journée presente,
Si le vueilliez recepvoir pour estreine.  

Et non obstant qu'ayent voulu eslire
Mon seigneur d'Orliens que leur fait voie
Et juge en soit, ne vueilliez escondire
Leur bon desir, car chascun d'eulx vous proye
Trés humblement, s'il vous plaist toutevoie,
 Et se guermente
Que vous dissiez vostre avis: se dolente
Vie est qu'amer ou trés joieuse et saine,
Et le livret le fait vous represente,
Si le vueilliez recepvoir pour estreine.  

Mon redoubté seigneur, des meilleurs trente
Me reçoivent a vo bonté haultaine,
Cui mon service ottroy sanz estre lente,
Si le vueilliez recepvoir pour estreine.

 

 

 

XXII

(Christine recommande son fils aîné au duc d'Orléans.)

Trés noble, hault, poissant, plein de sagesse,
D'Orliens duc Loys trés redoubtable,
Mon redoubté seigneur, en grant humblece
Me recommand a vous, prince notable,
En desirant faire chose agreable   
A vous, vaillant seigneur de haute emprise,
Et si vous viens donner d'amour esprise
La riens qui soit que doy plus chier avoir
Et soubzmettre du tout a vo franchise,
Si le vueilliez, noble duc, recevoir.  

C'est un mien filz, lequel de sa jonnece
A bon vouloir d'estre en son temps valable
Et desir a selon sa petitece
De vous servir, s'il vous est acceptable;
Pour ce suppli, vaillant prince amiable,  
Qu'il vous plaise le prendre a vo servise.
Don vous en fais, et tout a vo devise
Faire de lui vueilliez, car bon vouloir
De vous servir a de cuer en craintise;
Si le vueilliez, noble duc, recevoir.  

Ja trois ans a que pour sa grant prouesse
L'en amena le conte trés louable
De Salsbery, qui moru a destrece
Ou mal païs d'Angleterre, ou muable
Y sont la gent; depuis lors, n'est pas fable,
Y a esté, si ay tel peine mise
Que je le ray non obstant qu'a sa guise
L'avoit Henry qui de la se dit hoir,
Or vous en fais je don de foy aprise,
Si le vueilliez, noble duc, recevoir.  

Prince excellent que chascun loue et prise,
Du requerir je ne soye reprise
N'escondite, car de tel qu'ay savoir
Mon service vous ottroy sanz faintise,
Si le vueilliez, noble duc, recevoir.

 

 


XXIII

S'il est ainsi que de vous soye amée
Si loiaument comme je vous oy dire
Et que vo cuer d'amour trés affermée
M'aime si fort et ne veult ne desire  
Fors moy sanz plus, je vous suppli, beau sire,
Sanz telz semblans ne telz ditz recorder
Pour m'asseurer qu'ailleurs vo cuer ne tire,
Faittes voz faiz a voz ditz accorder.  

Car les amans si male renommée
Ont a present, non obstant qu'on souspire
Et que mainte dame soit d'eulx clamée
Dame et amour, que le meilleur ou pire  
On ne cognoist, tant y a a redire
En leurs faulz cuers, s'ay je ouÿ recorder
Et pour ce a fin qu'il me doye souffire
Faittes voz faiz a voz ditz accorder.  

Et se je vueil estre bien informée
Ains qu'a ami du tout vous vueille eslire
J'ay bien raison, n'en doy estre blasmée;
Car son renom dame trop fort empire  
Qui a croire legierememt se tire,
Si demonstrez qu'en riens a moy frauder
Vous ne taschiez, et pour ne m'en desdire
Faittes voz faiz a voz ditz accorder.  

Se vous m'amez n'en aiez ne dueil n'yre,
Bien le sçaray, sanz longuement tarder;
Pour esprouver le vray sanz contredire
Faittes voz faiz a voz ditz accorder.

 

 


XXIV

Doulce dame que j'aim plus et desire
Qu'oncques n'amay nulle autre dame née
Partir me fault de vous, dont je souspire,
Ne bien n'aray jusqu'a la retournée,  
Car a vous ay toute m'amour donnée;
Ne je ne pense a autre riens nulle heure;
Mais s'a present m'en vois, trés belle née,
Le corps s'en va, mais le cuer vous demeure.

Et loings de vous vivray en grief martyre,
Ne ma doulour ne sera ja finée
Jusqu'au retour, car riens ne puet souffire
A mon vray cuer, n'avoir bonne journée  
Se ne vous voy; soiez acertenée,
Belle plaisant pour qui mon penser pleure,
Ou que je voise, et y fusse une année,
Le corps s'en va, mais le cuer vous demeure.

Si ne vueilliez nul autre ami eslire
Ne m'oublier, car soir ne matinée,
Ne heure du jour, vo beauté ou me mire
Et vo doulceur parfaitte et affinée  
N'oblieray, si ne soit ja finée
L'amour de nous, quel que soit la demeure;
De vous me pars, belle et bien atournée,
Le corps s'en va, mais le cuer vous demeure.

Je prens congié celle a qui j'ay donnée
Toute m'amour; de cuer plus noir que meure
Vous di a Dieu, ma joye enterinée,
Le corps s'en va, mais le cuer vous demeure.

 

 


XXV

Or soiez liez, jolis et envoisiez,
Vrais fins amans, puis que May est venu,
Voz gentilz cuers gaiement esleesciez;
Ne soit de vous nul anuy retenu,   
Ains soit soulas doulcement maintenu,
Quant vous voyez resjoïr toutes choses
Et qu'en saison sont adès et en cours
Chapiaulx jolis, violetes et roses,
Fleur de printemps, muguet et fleur d'amours.

Voiez ces champs et ces arbres proisiez,
Et ces beaulz prez qui sont vert devenu,
Ces oisillons qui tant sont renvoisiez
Que par eulx est tout doulz glai soustenu;  
Tout se revest; il n'y a arbre nu;
Voiez ces fleurs espanies et closes,
Dont bien devez avoir pour les odours
Chapiaulx jolis, violetes et roses,
Fleur de printemps, muguet et fleur d'amours.

De doulz pensers voz gentilz cuers aisiez,
Chantez, dancez pour estre retenu
Avec deduit par qui sont acoisiez
Tous desplaisirs, et souvent et menu   
Riez, jouez, soit bon temps detenu,
Amours le veult, pour ce nous a descloses;
Voiez, plaisans, si aiez tous les jours
Chapiaulx jolis, violetes et roses,
Fleur de printemps, muguet et fleur d'amours.

Princes d'amours ou bontez sont encloses,
Ce moys de May portez les doulces flours,
Chapiaulx jolis, violetes et roses,
Fleur de printemps, muguet et fleur d'amours.

 

 


XXVI

Doulce chose est que mariage,
Je le puis bien par moy prouver,
Voire a qui mary bon et sage
A, comme Dieu m'a fait trouver.  
Louez en soit il qui sauver
Le me vueille, car son grant bien
De fait je puis bien esprouver,
Et certes le doulz m'aime bien.  

La premiere nuit du mariage
Très lors poz je bien esprouver
Son grant bien, car oncques oultrage
Ne me fist, dont me deust grever,  
Mais, ains qu'il fust temps de lever,
Cent fois baisa, si com je tien,
Sanz villennie autre rouver,
Et certes le doulz m'aime bien.  

Et disoit, par si doulz langage;
«Dieux m'a fait a vous arriver,
Doulce amie, et pour vostre usage
Je croy qu'il me fist eslever.»  
Ainsi ne fina de resver
Toute nuit en si fait maintien
Sanz autrement soy desriver,
Et certes le doulz m'aime bien.  

Princes, d'amours me fait desver
Quant il me dit qu'il est tout mien;
De doulçour me fera crever,
Et certes le doulz m'aime bien.

 

 


XXVII

Des trés bonnes celle qui vault le mieux,
Assouvie sur toute damoiselle,
Non pareille, telle vous fourma Dieux,
Pleine de sens, de haulte honneur et belle,
 Toutes passez     
A mon avis, et croy que vous pensez
Toudis comment vous soiez exemplaire
De toute honneur qui tant en amassez,
Et ce vous fait a tout le monde plaire.  

Redoubtée princece, ou biens sont tieulx
Que un chascun parfaitte vous appelle,
De qui servir mon cuer est envieux,
Plus qu'autre riens, certes vous estes celle
 Qui enlascez     
Mon cuer en vous, sanz ja estre lassez,
Mais se pou vail, ne vous vueille desplaire,
Car vous valez pour un royaume assez,
Et ce vous fait a tout le monde plaire.  

Doulce, plaisant, corps gent et gracieux,
Flun de doulçour, blanche com noif novele,
Le doulz regart de voz amoureux yeulz
Livre a mon cuer l'amoureuse estincelle,
 Dont embrasez     
Il est d'amer et toudis a pensez
De vous servir, n'en demande salaire
Fors le regart que doulcement lancez,
Et ce vous fait a tout le monde plaire.  

Trés belle, en qui tous maulz sont effacez,
Je ne desir fors vo doulz plaisir faire;
Car tous les biens sont en vous entassez,
Et ce vous fait a tout le monde plaire.

 

 


XXVIII

Or soiez liez, joyeux et envoisiez;
Tous amoureuz, puis que May est venu.
De tous voz deulz ores vous aquoisiez;
Chantez, jouez trestuit, grant et menu,
 Et querez voye    
De joye avoir, et chascun se pourvoye
De reconfort et entroublie esmay;
Car Amours veult qu'un chascun se cointoye
En ce jolis plaisant doulz moys de May.  

Voyez ces champs et ces arbres proisiez,
Et ces beaulx prez qui sont vers devenu,
Ces oisillons qui tant sont renvoisiez
Que par eulz est tout doulx glay maintenu,
 Or menez joye,    
Et vous dames aussi, Amours l'octroye,
Soyez liez; car s'oncques je n'amay
Si vueil je amer chose qui me resjoye
En ce jolis plaisant doulz moys de May.  

Chapiaux de flours aux amans pourchaciez,
Dames d'onnour, et s'avez retenu
Aucun amy tant de bien lui faciez
Que du doulz May lui soit mieux avenu;
 Mais toutevoye    
N'octroyez rien dont blasmer on vous doye,
Se m'en croyez, mais oncques ne blasmay
Que l'en n'amast par gracieuse voye
En ce jolis plaisant doulz moys de May.  

Dames, amans, chascun de vous s'avoye
De liement aler cueillir le may
Ce joli jour, et tout annuy renoye
En ce jolis plaisant doulz moys de May.

 

 

XXIX

(Au duc d'Orléans, sur le combat de sept Français contre sept
Anglais.) [19 mai.]

Prince honnoré, duc d'Orliens, louable,
Bien vous devez en hault penser deduire
Et louer Dieu et sa grace amiable
Qui si vous veult en tout honneur conduire  
Que le renom par le monde fait luire
De vostre court remplie de noblece
Qui resplendit comme chose florie
En noble loz, et adès est radrece
De hault honneur et de chevalerie.   

Or ont acreu le loz li sept notable
Bon chevalier que vaillance a fait duire
Si qu'a grant loz et victoire honnorable
Ont desconfit les sept Anglois, qui nuire  
Aux bons François cuident et les destruire;
Mais le seigneur du Chastel, ou proece
Fait son reduit et la bachelerie,
Bataille, ont mis Anglois hors l'adrece
De hault honneur et de chevalerie.   

Et Kerhoïs le breton secourable
Qui mains grans biens fera ainçois qu'il muire,
Et Barbasan et Champaigne amiable,
Et Archambaut qui fait son renom bruire,  
Le bon Glignet de Breban qui aduire
En armes veult son corps et sa jeunece;
Par ces sept bons est la gloire perie
De noz nuisans qui perdent la haultece
De hault honneur et de chevalerie.   

Prince poissant, honnourez a leece
Les bons vaillans ou valeur n'est perie,
Car vous arez par eulx toute largece
De hault honneur et de chevalerie.

 

 


XXX

(Sur le combat des sept chevaliers français et des sept chevaliers
anglais.) [19 mai.]

Haultes dames, honnourez grandement
Et vous toutes damoiselles et femmes
Les sept vaillans qui ont fait tellement
Qu'a tousjours mais sera nom de leurs armes.  
Nez quant les corps seront dessoubz les lames,
Remaindra loz de leur fait en memoire
En grant honneur au royaume de France;
Si qu'a tousjours, en mainte belle hystoire,
Sera retrait de leur haulte vaillance.   

Et, comme on sieult faire ancienement
Aux bons vaillans chevalereux et fermes,
Couronnez lez de lorier liement,
Car c'est li drois de Vittoire et li termes.  
Bien leur affiert le lorier et les palmes
De tout honneur, en signe de Vittoire,
Quant ont occis et mené a oultrance
L'orgueil anglois, dont, com chose notoire,
Sera retrait de leur haulte vaillance.   

Et tant s'i sont porté tuit vaillamment
Que l'en doit bien leurs noms mettre en beaulx termes,
Au bon seigneur du Chastel grandement
Lui affiert loz, a Bataille non blasmes,   
Bien fu aisié Barbasan en ses armes,
Champaigne aussi en doit avoir grant gloire
Et Archambault, Clignet de grant constance,
Keralouÿs, de ceulz, ce devons croire,
Sera retrait de leur haulte vaillance.   

Princeces trés haultes, aiez memoire
Des bons vaillans qui, par longue souffrance,
Ont tant acquis qu'en maint lieux, chose est voire,
Sera retrait de leur haulte vaillance.

 

 

XXXI

(Même sujet.)

Bien viegnez bons, bien viegniez renommez,
Bien viegniez vous chevaliers de grant pris,
Bien viegniez preux et de chascun clamez
Vaillans et fors et aux armes apris;  
Estre appellez devez en tout pourpris
Chevalereux, trés vertueux et fermes,
Durs a travail pour grans cops ramener,
Fors et eslus, et pour voz belles armes
On vous doit bien de lorier couronner.  

Vous, bon seigneur du Chastel, qui amez
Estes de ceulz qui ont tout bien empris;
Vous, Bataille, vaillant et affermez;
Et Barbasan, en qui n'a nul mespris;  
Champaigne, aussi de grant vaillance espris;
Et Archambault; Clignet aux belles armes;
Keralouÿs; vous tous sept, pour donner
Exemple aux bons et grant joye a voz dames,
On vous doit bien de lorier couronner.  

Or avez vous noz nuisans diffamez,
Louez soit Dieux qui de si grans perilz
Vous a gittez, tant vous a enamez
Que vous avez desconfiz, mors et pris  
Les sept Anglois de grant orgueil surpris,
Dont loz avez et d'ommes et de femmes;
Et puis que Dieux a joye retourner
Victorieux vous fait ou corps les ames,
On vous doit bien de lorier couronner.  

Jadis les bons on couronnoit de palmes
Et de lorier en signe de regner;
En hault honneur et, pour suivre ces termes,
On vous doit bien de lorier couronner.

 

 


XXXII

Quant je voy ces amoureux
Tant de si doulz semblans faire
L'un a l'autre, et savoureux
Et doulz regars entretraire,  
Doulcement rire, et eulx traire
A part, et les tours qu'ilz font,
A pou que mon cuer ne font !  

Car lors me souvient, pour eulx,
De cil, dont ne puis retraire
Mon cuer qui est desireux
Que ainsi le peusse attraire;  
Mais le doulz et debonnaire
Est loings, dont en dueil parfont
A pou que mon cuer ne font !  

Ainsi sera langoreux
Mon cuer en ce grief contraire,
Plein de pensers doloureux
Jusques par deça repaire  
Cil qu'amours me fait tant plaire;
Mais du mal qui me confont
A pou que mon cuer ne font !  

Princes, je ne me puis taire,
Quant je voy gent paire a paire
Qui de joye se reffont,
A pou que mon cuer ne font !

 

 


XXXIII

(Au Sénéchal de Hainaut.)

Seneschal vaillant et sage
De Hainault, plein de valour,
Chevalier ou vacellage
Et prouece fait demour,  
Finerez vous jamais jour
Par mainte terre lontaine
D'entreprendre armes et peine ?

Veult donc vo noble corage
Vo beau corps mettre a doulour
En peril de mort sauvage,
Pour tousdis porsuivre honnour ?
Est vo vueil que sanz sejour
Ainsi vo vie se peine
D'entreprendre armes et peine ?

Vous ne plaignez le domage
Dont il s'ensuivroit maint plour
Se Fortune et son oultrage
Vous jouoit de son faulx tour.
Dieux vous en gard, qui tousjour
A victoire vous amaine,
D'entreprendre armes et peine.

Mais je croy qu'en grant cremour
Mettez celle, qui s'amour
A du tout en vo demaine,
D'entreprendre armes et peine.

 

 


XXXIV

Trés belle, je n'ose dire
La doulour et la pointure
Dont Amours mon cuer martire
Pour vostre gente figure;  
Mais du grief mal que j'endure
 Apercevoir
 Vueillez le voir.   

Car tant doubte l'escondire
Que la doulour que j'endure
Je n'ose dire n'escripre;
Mais, sanz en faire murmure,  
De ma grief doulour obscure
 Apercevoir
 Vueillez le voir.   

Et vous plaise estre le mire
De mon mal, car je vous jure
Que vostre, sans contredire,
Suis et seray, c'est droiture,
Et se vous aim d'amour pure
 Apercevoir
 Vueillez le voir.   

Si ne soiez vers moy dure,
Ains de ma pesance sure
 Apercevoir
Vueillez le voir.

 

 


XXXV

Ha ! le plus doulz qui jamais soit formé !
Le plus plaisant qu'oncques nulle acointast !
Le plus parfait pour estre bon clamé !
Le mieulz amé qu'oncques mais femme amast !
De mon vray cuer le savoreux repast !
Tout quanque j'aim, mon savoreux desir !
Mon seul amé, mon paradis en terre
Et de mes yeulz le trés parfait plaisir !
Vostre doulceur me meine dure guerre.  

Vostre doulceur voirement entammé
A le mien cuer, qui jamais ne pensast
Estre en ce point, mais si l'a enflammé
Ardent desir qu'en vie ne durast  
Se doulz penser ne le reconfortast;
Mais souvenir vient avec lui gésir,
Lors en pensant vous embrace et vous serre,
Mais quant ne puis le doulz baisier saisir
Vostre doulceur me meine dure guerre.  

Mon doulz ami de tout mon cuer amé,
Il n'est penser qui de mon cuer gitast
Le doulz regard que voz yeulz enfermé
Ont dedens lui; riens n'est qui l'en ostast,
Ne le parler et le gracieux tast
Des doulces mains qui, sanz lait desplaisir,
Vueillent partout encerchier et enquerre,
Mais quant ne puis de mes yeulz vous choisir
Vostre doulceur me meine dure guerre.  

Trés bel et bon, qui mon cuer vient saisir,
Ne m'oubliez, ce vous vueil je requerre;
Car, quant veoir ne vous puis a loisir,
Vostre doulceur me meine dure guerre.

 

 


XXXVI

(A la reine Isabelle de Bavière.)

Redoubtée, excellent, trés sage et digne,
Noble, vaillant, de hault honneur porprise,
Renommée Roÿne trés benigne,
La souvraine des dames que l'en prise,  
Je pri cil Dieu, qui sur tout a maistrise,
Qui a ce jour de l'an si bonne estraine
Il vous en voit qu'adès en vous esprise
Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.  

Ma redoubtée, ou tout le monde encline,
Pour ce que sçay que, comme bien aprise,
Livres amez, moy vostre serve indigne
Vous envoie cestui ou est comprise   
Matière qu'ay en haulte place prise;
En gré l'aiez, trés noble et de sens pleine,
En qui tousjours, sanz ja estre desprise,
Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.  

Et s'il vous plaist, trés poissant, vraie et fine.
Que vostre grant haultece un petit lise
En mon dittié, et vo sens determine
De la cause qui est en termes mise.   
Mieulx en vauldra en tout cas mon emprise,
Si en jugiez, princepce trés hautaine,
A qui Dieux doint grace qu'en toute guise
Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.  

Haulte, poissant et pleine de franchise,
Trés humblement a vo valeur certaine
Me recomand en qui trouvée et quise
Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.

 

 


RONDEL

Mon chier seigneur, soiez de ma partie
Assaille m'ont a grant guerre desclose
Lez aliez du Romans de la Rose
Pour ce qu'a eulx je ne suis convertie.  

Bataille m'ont si cruelle bastie
Que bien cuident m'avoir ja presqu'enclose,
Mon chier seigneur, soiez de ma partie.  

Pour leur assaulz ne seray alentie
De mon propos, mais c'est commune chose
Que l'en cuert sus a qui droit deffendre ose;
Mais se je suis de sens pou avertie,
Mon chier seigneur, soiez de ma partie.

 

 


XXXVII

Jadis avoit en la cité d'Athenes
Fleur d'estude de clergie souvraine;
Mais, non obstant les sentences certaines
De leur grant sens, une erreur trop vilaine  
Les decepvoit, car pluseurs divers dieux
Aouroient, dont aucuns pour leur mieulx
Y preschierent qu'ilz devoient savoir
Qu'il n'est qu'un Dieu, mais mal en prist a cieux;
On est souvent batu pour dire voir.   

Aristote le trés sage, aux haultaines
Sciences prompt, d'ycelle cité, pleine
De tel erreur, fu fuitis; maintes peines
Il en souffri Socrates qui fontaine   
De sens estoit; fu chaciez de cil lieux
Pluseurs autres occis des envieulx
Pour verité dire, et apercevoir
Peut bien chascun que partout soubz les cieulx
On est souvent batu pour dire voir.   

Se ainsi va des sentences mondaines;
Pour ce le di que pluseurs ont ataine
Sur moy, pour tant que paroles trés vaines,
Deshonnestes et diffame incertaine,   
Reprendre osay, en jeunes et en vieulx,
Et le Romant, plaisant aux curieux,
De la Rose, que l'en devroit ardoir !
Mais pour ce mot maint me sauldroit aux yeux
On est souvent batu pour dire voir.   

Princes, certes, voir dire est anyeux
Aux mençongeurs qui veulent decevoir,
Pour ce au pere voit on mentir le fieulx:
On est souvent batu pour dire voir.

 

 


XXXVIII

(Sur la Cour du Duc Philippe de Bourgogne)

Gentillece qui les vaillans cuers duit
De courtoisie fait sa messagiere
Qui ses rapors trés gracieux conduit
Et toute gent reçoit a lie chiere;
Si voit on bien resplendir sa lumiere  
En une court de France solennée,
De prince hault tellement gouvernée
Que personne n'y a qui toute aduite
Ne soit d'honneur, dont, chose est certenée,
Selon seigneur voit on maignée duite.  

Le trés hault duc filz de roy, qui est vuit
De tout orgueil et qui sagece a chiere,
Philippe bon des Bourguignons reduit
Et les Flamens touz a soubz sa baniere,
En est le chief, en qui prudence entiere  
Maint, si qu'il n'a o lui personne née,
Qui en touz cas ne soit si ordonnée
Qu'on peut dire de sa trés plaisant suite,
Tant noblement est et bien dottrinée,
Selon seigneur voit on maignée duite.  

Bel fait veoir celle court qui reluit
De nobles gens en fait et en maniere
Si beaulz, si gens, si courtois, que deduit
Est du veoir; et sanz maniere fiere,
Si gracieux que c'est joye plainiere;  
Et aux armes nulz meilleurs de l'année
On ne verra en champ ne a journée,
Mais, s'ilz sont bons et hardis et sanz fuitte,
C'est bien raison par coustume affermée
Selon seigneur voit on maignée duite.  

Prince excellent, se bien moriginée
Est vostre court par noblece conduitte,
Le proverbe dit, c'est chose infourmée:
Selon seigneur voit on maignée duite.

 

 


XXXIX

Fleur des meilleurs, haulte honnourée dame
De tout mon cuer trés amée et cherie,
Bonne, saige, trés parfaitte et sans blasme,
Helas ! vueillez que par vous soit garie  
  Ma dure paine,
Appercevoir vueillez que je me paine
De vous servir, ne je n'ay autre envie,
Car je vous ay retenue a ma vie.  

Et de pieça me tient, car corps et ame,
Pensée, amour soubz vostre seigneurie
Trés mon enffance y mis ne depuis ame
Ne l'en osta, ne n'en sera garie,  
  Chose est certaine,
Ja ma douleur, fors par vous qui fontaine
Estes, dont puet ma joye estre assouvie,
Car je vous ay retenue a ma vie.  

Belle plaisant que mon cuer tant reclame,
Par vo pitié vous plaise que ravie
Soit l'ardure du desir qui m'enflame.
N'est ce pas droit que me soit remerie  
  L'amour certaine
Dont je vous aim, trés doulce tresmontaine,
Puis que serés toujours de moy servie,
Car je vous ay retenue a ma vie.  

  Ma souveraine
Dame, amez moi, car je vous acertaine
De n'en partir ja se je ne devie,
Car je vous ay retenue a ma vie.

 

 

 

XL

Ne doubtez point du contraire,
Car dit vous en ay le voir,
Belle, commant sans retraire
Vous aim et sans decevoir  
Vueillez ley appercevoir,
Et m'amez, ostez m'arsure,
Car, sans reconfort avoir,
Je mourray se m'estes dure.  

Voz beaux yeux viennent attraire
Sy mon cuer que desmouvoir
Ne l'en puis; d'autre part traire
Luy vient Amours qui ravoir  
Le veult, et force et sçavoir
M'ostent, n'il n'y a mesure,
Dont par tel mal recepvoir
Je mourray se m'estes dure.  

S'il vous plaise vers moy traire
Pitié qui face esmouvoir
Vo cuer, par quoy vous puist plaire
M'amer, car si mon devoir  
Feray, sans m'en desmouvoir
De vous servir, je vous jure,
Mais bien vous faiz assavoir:
Je mourray se m'estes dure.  

Ma dame, corps, ame, avoir
Est tout vostre, ayez en cure;
Puis que ne l'en puis ravoir,
Je mourray se m'estes dure.

 

 


XLI

Merveilles est et seroit fort a croire
Es estranges contrées qu'il peust estre,
Qu'en ce pays, qui de longue memoire
Est renommé en honnour sur tout estre,  
Que verité, depuis le greigneur maistre
Jusqu'au petit, si a paine trouvée
Fust comme elle est, c'est bien chose senestre
Qu'en France soit si mençonge eslevée.  

Mais de parler bel n'y voit on recroire
Les principaulx, et pour faire gens paistre
Grans promesses, dont l'atente n'est voire,
Ne leur coustent riens, mais qui s'en empestre
Se puet de vent comme pluvier repaistre;
Car long effait en yst, chose est prouvée,
Cest lait renom n'aquiert se noble en estre
Qu'en France soit si mençonge eslevée.  

Et quant a moy, pour ce que si nottoire
Mençonge voy, il n'est chose terrestre
Qu'on me die, quiconques la m'avoire,
Ne promesce jurée de main destre,  
Que, je croye se le voy ne voy n'estre;
Car pou y truys fors que fraude esprouvée,
Et c'est pitié, par le hault Dieu celestre,
Qu'en France soit si mençonge eslevée.  

Ha ! haulx princes, pour Dieu ne vous adresce
Vice si lait, c'est chose reprouvée;
Sy déboutés tout homme qui empetre
Qu'en France soit si mençonge eslevée.

 

 

XLII

(Sur la Mort du Duc de Bourgogne.) [27 avril]

Plourez, Françoys, tout d'un commun vouloir,
Grans et petis, plourez ceste grant perte;
Plourez, bon Roy, bien vous devez douloir,
Plourer devez vostre grevance apperte;
Plurez la mort de cil qui par desserte  
Amer deviez et par droit de lignaige,
Vostre loyal noble oncle le trés saige
Des Bourgongnons prince et duc excellent;
Car je vous dy, qu'en mainte grant besongne,
Encor dirés trestuit a cuer dollent
Affaire eussions du bon duc de Bourgongne.  

Plourez, Berry, et plourez tuit sy hoir,
Car cause avez: mort la vous a ouverte;
Duc d'Orliens, moult vous en doit chaloir,
Car par son scens mainte faulte est couverte;
Duc des Bretons, plourez, car je suys certe  
Qu'affaire arés de luy en vo jeune aage;
Plourez, Flamens, son noble seignourage;
Tout noble sanc, allez vous adoullant;
Plourez, ses gens, car joye vous eslongne,
Dont vous dirés souvent en vous doullant
Affaire eussions du bon duc de Bourgongne.  

Plourez, Roÿne, et ayez le cuer noir
Pour cil par qui feustes au trosne offerte;
Plourez, dames, sans en joye manoir;
France, plourez, d'un pillier es deserte,
Dont tu reçoys eschec a descouverte,   
Gar toy du mat quant mort par son oultrage
Tel chevalier t'a toulu, c'est dommaige;
Plourez, puepple commun, sans estre lent,
Car moult perdez et chascun le tesmoingne,
Dont vous dirés souvent mate et relent:
«Affaire eussions du bon duc de Bourgongne.»  

Princes royaulx, priez par bon tallent
Pour le bon duc; car, sans moult grant parlongne,
En voz conssaulx de duc arés tallent,
Affaire eussions du bon duc de Bourgongne.

 

 


XLIII

Dames d'onneur, gardez voz renommées,
Pour Dieu mercis eschevez le contraire
De bon renom, que ne soyés blasmées;
Ne vueillez point acointances attraire  
Telles, qu'on puist recorder ne retraire
Par voz maintiens qu'ayez legiers les cuers,
Ne qu'en nul cas vous daignissiez meffaire,
Et ne croyez flajolz de decepveurs.  

Car pou vous vault cuidier bien estre amées
D'ommes pluseurs, de recepvoir salaire
De mauvais loz, par parolles semées
En divers lieux, qu'il eust en vostre affaire
Legiereté; sy vous est neccessaire
D'avoir recort toudis des deshonneurs,
La ou cheoir on puet par foulour faire,
Et ne croyez flajolz de decepveurs.  

Or soyés dont de parfait scens armées
Contre ceulx, qui tant taschent a soubztraire
L'onneur de vous, et de qui diffamées
Estes souvent sans cause, et pour vous plaire
Font le courtoys; et je ne m'en puis taire,
Car j'en congnois et sçay de telz vanteurs
Qui vous flattent; vueillez vous ent retraire
Et ne croyez flajolz de decepveurs.  

Chieres dames, ne vous vueille desplaire,
Se je vous lo a garder des flateurs
Qui ne taschent qu'a voz honneurs deffaire,
Et ne croyez flajolz de decepveurs.

 

 


XLIV

Du mois de May je me tieng pour contente,
D'Amours aussi de qui me vient la joye,
Par ce que voy souvent com droite rente
Ung bel amy que j'ay qui me resjoye;  
Ce tient mon cuer en leece ou que soye,
Car choisy l'ay de tous biens pour ma part.
C'est mon plaisir, n'aultre ne me resjoye,
Ne mon penser nulle heure ne s'en part.  

O quel solas et quel joyeuse attente
Ce m'est quant suis en lieu seulette et coye
Ou je l'attens, combien qu'a l'eure sente
Moult grant frayeur de paour qu'on le voye !
Mais quant vers moy a achevé la voye
Lors de baisiers serrez donnons tel part
Que la doulceur oublier ne pourroye
Ne mon penser nulle heure ne s'en part.  

Et se penser y ay, cuer et entente,
Merveilles n'est, c'est droiz qu'avoir lui doye,
Car le grant bien de lui m'i maine et tente
Et sa doulceur et ce que tout s'employe  
A me servir, si sçay que s'amour moye
Est nuement n'ailleurs point n'en depart,
Pareillement il m'en est par tel voye
Ne mon penser nulle heure ne s'en part.  

Mon doulx ami, qui es comble et monjoye
De tout honneur et bonté, il m'est tart
Qu'entre mes bras briefment je te festoye,
Ne mon penser nulle heure ne s'en part.

 

 


XLV

Par ta valour et par ton maintien saige,
Par ta doulceur et trés plaisant maniere,
Et les grans biens et l'amoureux langaige
Qui en toy sont, tu as m'amour entiere  
En tout, en tout acquise en tel maniere
Que sans cesser je ne pensse autre part.
Adès m'est vis que devant moy te voye,
Ne nulle heure le mien cuer ne s'en part.
Mon doulx amy, d'autre ne me vient joye.

Sy as tant fait que mon cuer, qui sauvaige
D'amours estoit, et qui ne faisoit chiere
D'amer jamais, ore est ou doulx servage
Du dieu d'amours, si qu'estre ne puis fiere
N'a luy n'a toy, ains convient que plainiere-
Ment me soye donnée sans depart
A toy, amis, n'est rayson que je doye
Desobeïr au bien qu'il me depart.
Mon doulx amy, d'autre ne me vient joye.

Et puis qu'Amours, par son hault seigneurage,
Veult que tous deux soions soubz sa baniere,
Or lui faisons de trés bon cuer hommage
Sans departir, amis, en tel maniere  
Que soies mien, et plus ne seray fiere
A ton doulx vueil qui d'onneur ne se part.
Aimes moy bien, car tu as l'amour moye,
A toy me don, je te prens pour ma part.
Mon doulx amy, d'autre ne me vient joye.

Fin cuer plaisant, or soions main et tart
Loyaulx amans, quant a moy je l'ottroye,
Plaisant desir le me conseille a part.
Mon doulx amy, d'autre ne me vient joye.

 

 


XLVI

Se je puis estre certaine
De ce dont je suis en doubte,
C'est que je n'aye pas plaine-
Ment t'amour et que ja route
Soit ta foy; amis, escoute:
Saiches que, par saint Nycaise,
Je m'en mettré a mon aise.  

Ta maniere m'acertaine
Et monstre, se je voy goute,
Que d'amours foibleste et vaine
Tu m'aimes, dont je suis toute
Esbahie; mais s'acoute:
S'ainsi est, ne t'en desplaise,
Je m'en mettré a mon aise.  

Car tousjours vivroye en paine
D'ainsi m'estre a toy trestoute
Donnée, et qu'a mon demaine
Ne t' eusse aussi, si redoubte
Le fillé ou je me boute,
Pour ce, tout soit ce a mesaise,
Je m'en mettré a mon aise.  

J'ay ja plouré mainte goute
Pour toy pluseurs jours de route;
Mais, se ton cuer ne m'apaise,
Je m'en mettré a mon aise.

 

 


XLVII

Belle plaisant, sur toutes trés amée,
De tout mon cuer ma souvraine maistresce,
Appercevez que, plus que chose née,
Vous aims et crains et vous sers en humblesce,
Et pour ce, oster le mal qui tant me blesce
Vous plaise tost et ouÿr ma clamour,
Et me vueillez ottroyer vostre amour.  

Et se par vous m'est tel joye donnée
Vous me mettrés en la voye et adresce
D'estre vaillant, et bien guerredonnée
Sera toute ma paine et ma destresce,  
Or le faittes, ma souvraine princesce,
Sy n'y mettez plus dongier ne demour,
Et me vueillez ottroyer vostre amour.  

Mon fin cuer doulx, ma dame redoubtée,
Retenez moy, car je vous fais promesce
Que vostre honneur sera par moy gardée
Entierement, et tousjours sans paresce  
Vous serviray com ma doulce deesse;
Sy me prenez a mercy, doulce flour,
Et me vueillez ottroyer vostre amour.  

Plaisant tresor, faittes moy tel largesce
De voz doulx biens que ma douleur en cesse,
Secourez tost le mal ou je demour,
Et me vueillez ottroyer vostre amour.

 

 


XLVIII

Amours, Amours, tu scés plus d'une voye
D'attrapper gens a ta mussée trappe;
Et qui fouÿr te cuide se forvoye,
Car il n'est riens que doulx regart n'atrappe:
C'est ton veneur, cuer n'est qui luy eschape.
Plaisant maintien, courtoysie et lengaige,
Sont tes levriers, compaignie est la sente
Ou tu chaces plus souvent qu'en boscaige;
Je le scay bien, il fault que je m'en sente.

Certes, tes tours mie n'appercevoye,
Ne comme tu scez soubz couverte chappe
Surprendre cuers; quant si bien me devoye
De toy garder a mon dit; mais l'aggrappe  
Dont tu tires a toy si mon cuer happe
Que il convient que je te face hommaige,
Ou vueilie ou non, et qu'a toy me consente;
Car ton pouoir seigneurist fol et saige:
Je le sçay bien, il fault que je m'en sente.

J'apperçoy bien que je me decevoye
De te cuidier fouyr, car sy m'entrappe
Doulx Souvenir que mucié ne savoye;
Et, quant je cuit ganchir, je me reffrappe  
Dedens tes las, et Plaisance me frappe
De l'autre part; tu te tiens ou passage
Pour traire a moy; Biauté y est presente.
Rendre me fault, ou soit scens ou follage;
Je le sçay bien, il fault que je m'en sente.

Ha ! dieux d'amours, puis qu'en ton doulx servage
Prendre me veulx, faiz que ne m'en repente,
Car eschapper ne puis ton seigneuraige;
Je le sçay bien, il fault que je m'en sente.

 

 


XLIX

Trop hardement et grant presumpcion
Aucuns instruit a oser diffamer
Les plus souvrains, faignant entencion
Juste et loyal, disant qu'on puet blasmer
Tout viccieux, maudire et non amer;  
 Mais l'inutille
Parolle qui puet mettre en une ville
Noise et contens, traÿson et deffait,
Destruccion en contrée fertille;
Je dis que c'est pechié a qui le fait.  

Pour ceulx le di, qui, par destraccion,
Osent blasmer princes, pour enflamer
Puepple contre eulx par grief commossion,
Et les osent, ours, lyons, loups nommer,
Et fiers tirans les fleurs qu'on sieult clamer
 Lis trés nobille,
Pilliers de foy, sousteneurs d'euvangille;
Pour les flatter ne le dis; mais deffait
Dont puet venir esclande a plus de mille;
Je dis que c'est pechié a qui le fait.  

Sy ne faites, bons François, mencion,
Que vous ayés tirans fiers plains d'amer;
Laissiez parler a autre nacion;
Car ne sçavés qu'est tirant, et semer
Souffrez a tort telz diz, ne mesamer  
 Voz souvrains qui le
Sueffrent de leur doulceur, c'est chose ville
De soustenir contre eulx si grant tort fait,
Et de ditter balades de tel stille,
Je dis que c'est pechié a qui le fait.  

Princes poissans, criminelle ou civille
Vengeance pour telz diz en voz cuers n'ait;
Car qui glaive contre son puepple afille,
Je dis que c'est pechié a qui le fait.

 

 


L

Gentil homme, qui veult prouesce acquerre,
Escoute cy; entens qu'il te fault faire:
Armes suivir t'estuet en mainte terre;
Estre loyal contre ton adversaire;  
De bataille ne fouïr, non sus traire;
Et doubter Dieu; parolle avoir tardive;
En fait d'assault trouver voye soultive;
Ne soit ton cuer de lascheté repris;  
Des tours d'armes duis dois estre et apris;
Amer ton prince; et a ton chevetaine
Estre loyal; avoir ferme couraige;
Croire conseil; promesse avoir certaine;
S'ainsi le faiz, tu seras preux et saige.

Te gouverner par grant avis en guerre;
A voyagier souvent te doit moult plaire;
Princes et cours estranges tu dois querre,
Tout enquerir leur estat et affaire;  
Des bons parler et a toy les attraire;
Contre raison ta parolle n'estrive;
Ne mesdire de personne qui vive;
Porter honneur aux vaillans ou a pris;  
Henter les bons; n'avoir povre en despris;
Pour acquerir honneur ne plaindre paine;
Trop convoiteux n'estre, mès du tien large;
Et ta parolle soit vraye et non vaine;
S'ainsi le faiz, tu seras preux et saige.

Sans bon conseil de faire armes requerre
Ne dois autruy, et s'il n'est neccessaire
Pour ton honneur, ta bouche et tes dens serre,
Qu'il n'en ysse chose qui face a taire;  
L'autruy bienfait dois voulentiers retraire;
Taire le tien; ne t'entendre en oysive;
Estre attrempé; n'avoir teste hastive;
Fouÿr tout vice et avoir en mespris;  
Tost achever ce que tu as empris;
N'avoir orgueil ne parolle hautaine;
Ta contenance seure et non sauvaige.
Par bel maintien en tous lieux te demaine;
S'ainsi le faiz, tu seras preux et saige.

Prince gentil, ceste voye est certaine
Pour acquerir de hault honneur la targe;
Homme noble, suis la, je t'acertaine:
S'ainsi le faiz, tu seras preux et saige.

 

 


LI

Trop sont divers et merveilleux les tours
De l'inconstant, double et faulsse Fortune;
Car ses maulx sont moult loncs, et ses biens cours;
Nous le voyons, et c'est chose commune,  
Dont je ne voy pourveance fors qu'une
Contre elle; c'est que l'omme soit si saige
Qu'il n'ait des biens d'elle leece aucune,
Et ait ou mal fort et poissant couraige.  

Veoir pouons que tout vient a rebours
Souvent aux bons par sa fellasse enfrune,
Et aux mauvais, sans desserte ou labours,
Rent bon guerdon, mais de deux voyes l'une:  
Ou reconfort ou lenguir en rencune;
Prendre conseil convient si qu'homs se targe
De bon espoir, quoy qu'elle luy soit brune,
Et ait ou mal fort et poissant couraige.  

Car puis que ses joyes ne font qu'un cours
Par le monde general en commune
Que nous veons plus souvent en decours
Sus les greigneurs meismes que n'est la lune,
Homme ne doit les prisier une prune,
Mais, s'ilz viennent, pensser qu'en petit d'aage
Perdre on les puet, seurté n'y ait aucune,
Et ait ou mal fort et poissant couraige.  

Princes, soyés certains qu'oncques ne fu ne
Ja ne sera Fortune fors voulaige;
En soit chascun avisié et chascune,
Et ait ou mal fort et poissant couraige.

 

 

 

LII

Qui est celluy qui ne sent la pointure
Aucunement d'amours, qui point ne blesce,
Ou mois de May jolis, plain de verdure ?
Sy ne croy pas, Prince de grant noblesce,
Hault et poissant, que vraye amour ne drece
Voz nobles faiz en toute bonne voye;
Et pour ce a vous ma balade s'adresce,
Ce jour de May gracieux plain de joye.  

Car je vous voy plus qu'autre créature
Reampli de biens et haulte gentillesce;
Pour ce je tiens que vous en tout temps dure
Douls souvenir, qui departir ne laisse  
Loyal amour de vous, et que maistresce
Avez plaisant et belle, en qui s'employe
Vo noble cuer, qu'elle tient sans tristesce,
Ce jour de May gracieux plain de joye.  

Si affiert bien que mettés temps et cure
D'amours servir, qui de sa grant richesce
Guerredonner vous puet de nourriture
Doulce, plaisant, et qui fait en prouesce
Les bons monter, et que vo cuer s'eslesse
En ce doulx temps, qui aux amans envoye
Plaisant pensser et cuer tient en leesse
Ce jour de May gracieux plain de joye.  

Prince amoureux, doulx, humain, sans hautece
De nul orgueil, par moy Amours vous proye
Que gay soyés pour vo doulce deesse,
Ce jour de May gracieux plain de joye.

 

 

 

LIII

Je ne croy pas que ma malle fortune
Puisse souffrir qu'aucun bien me secuere;
Car de long temps, par rigle trop commune,
M'a couru sus, et quanque je labeure  
N'est fors en vain; car tout despiece en l'eure
La desloyal qui tout mal me pourchace;
Quant bien me doit venir, meseur l'en chace.

N'il ne me vient a nulle heure pas une
Riens a droit point, pour chose que je queure,
La ou secours cuid trouver, mais nesune
Voye n'y a: il fault que je demeure  
A tousjours mais ainsi, par quoy je pleure
Souvent, veant que, par diverse chace,
Quant bien me doit venir, meseur l'en chace.

Et puis qu'ainsi tel fortune respune
A tout boneur pour moy et tout deveure
Mes reconfors, avoir ne doy aucune
Esperance de jamais veoir l'eure   
D'avoir reppos du mal qui m'acuere;
Car je congnois qu'a tout quanque rechace,
Quant bien me doit venir, meseur l'en chace.

Princes, ainsi a cuer plus noir que meure
Me fault lenguir; car tout vent me dechace;
Est ce bien droit meschief qui me cuert seure,
Quant bien me doit venir, meseur l'en chace ?

 

 


Christine de Pisan

 

02 christine de pisan