Jean-Antoine de Baïf (1532-1589)

Après les vents ...



Après les vents, après le triste orage,
Après l'yver, qui de ravines d'eaux
Avoit noyé des boeufs le labourage,

Voicy venir les ventelets nouveaux
Du beau printemps: desja dedans leur rive
Se vont serrer les éclarcis ruisseaux.

Mon Dieu, pour moy cette saison n'arrive.
Le triste yver dure tousjours pour moy.
Si bien Amour de mon printemps me prive!

Bien que tout rit, rien de gay je ne voy:
Bien que de pleurs le ciel serein s'essuye,
Donner la fin à mes pleurs je ne doy.

Sans fin mes yeux versent leur triste pluye,
Et quand chacun se montre plus joyeux,
C'est quand plus fort plus triste je m'ennuie.

Sous la fraicheur des bois delicieux
Venus la gaye, et les Graces compagnes,
Et ses Amours font un bal gracieux.

Les Satyreaux aguetans des montagnes,
Courent après: le gentil patoureau
De son flageol éjouit les campagnes.




Jean-Antoine de Baïf

 

03jeanantoinedebaif