Ah ! ne le croyez pas que par moments j’oublie Et mon coeur, et l'amour, extase, poésie, Vous surtout, belle et douce à mes rêves secrets, Vous dont les purs regards font les miens indiscrets. Sans doute
c'est plaisir d'oublier à son aise La tenace douleur qui déchire ou qui pèse, Les ennuis au fiel noir, l'argent que l'on nous doit, L'avenir et la mort qui nous montre du doigt, Tout ce qui se résout
en larmes chez les femmes... Les petits maux souvent veulent de fortes âmes. Mais aussi dans la paix voluptueux penseur, Je suis de ma mémoire absolu possesseur; Je lui prête une voix, puissante magicienne Comme aux brises du soir, une harpe éolienne, Et chacun de mes sens résonne à cette voix; Mon coeur ment à mes yeux, absente je vous vois; Alors je me souviens des amis que je pleure, Des temps qui
ne sont plus, d'un espoir qui me leurre, De la riche nature apparue à mes yeux, De mes songes d'hier toujours vains, mais joyeux, De mes projets en l'air; que sais-je ? Galathée De marbre, qui s'anime aux feux de
Prométhée... Ce qui me rit un jour, plus tard je m'en souviens, Trop oublieux du mal et souvenant du bien.